Un enfant en crise a besoin de mouvement et de relation.

Un enfant en crise a besoin action et de relation

Apaiser les enfants passe par la relation.

Quand un enfant est en crise émotionnelle, nous pouvons être tentés de le contenir, pour l’empêcher de fuir ou de taper. Pourtant, ce dont un enfant en crise a le plus besoin est à la fois de mouvement (pouvoir bouger, pleurer, s’isoler) et de relation (présence non jugeante ni intrusive d’une personne qu’il aime et avec qui il se sent en confiance).

Si un enfant tente de taper, il vaut mieux stopper ou rediriger son geste sans lui faire mal, plutôt que le taper en retour ou lui hurler dessus.

Serrer un enfant très fort dans les bras pour empêcher ses mouvements risque d’accroître l’intensité de sa colère car il se sent impuissant et l’émotion ne peut pas se décharger jusqu’au bout. Il est toutefois possible de prendre un enfant dans les bras pour le changer d’environnement afin de le laisser courir, pleurer ou crier. Forcer un enfant en crise à rester immobile, et à rester dans les bras ne doit pas être le premier réflexe mais le dernier recours, en cas d’agressivité extrême ou d’impossibilité à changer d’environnement (impossibilité de s’isoler, d’aller dehors ou de trouver un espace où laisser libre cours au mouvement) .

Aider l’enfant à nommer ses sensations corporelles 

Par ailleurs, les tremblements consécutifs à la peur ou au stress sont la manière que trouve l’organisme de décharger cette énergie : il est donc utile d’accueillir ces tremblements et ne pas chercher à les faire cesser. Ils sont précisément le signe que le corps est en train de se remettre de la peur ou du stress. Trembler et pleurer est normal car cela aide l’enfant à se libérer du choc. Il est important de laisser les enfants pleurer, y compris après une colère car en quelque sorte le garde du corps de la tristesse. Accompagner la colère d’un enfant, c’est permettre à la tristesse d’émerger car cette tristesse est le signe de deuil et d’acceptation.

Ainsi, face à une peur ou un stress, il est toujours utile d’encourager les enfants à vivre leurs sensations corporelles telles que les secousses ou tremblements, les sensations de froid ou de chaud. Disposer d’un vocabulaire riche au sujet des sensations permet de comprendre les messages envoyés par le corps, de reconnaître leur influence et de les utiliser à bon escient pour prendre des décisions. Les humains de tout âge gagnent donc à pouvoir exprimer avec précision ce qui se passe dans leur corps.

Les sensations sont différentes des émotions mais les accompagnent. Il est utile pour nous-mêmes mais aussi pour les enfants de nommer nos sensations corporelles afin de ne pas laisser les sensations ignorées s’enkyster en traumatisme. Par exemple, il est possible d’inviter un enfant effrayé à décrire ce qui se passe dans son corps : où est-ce que ça se passe ? comment ça fait ? à quoi ressemble la peur dans ton corps ? Si l’enfant a du mal à décrire ce qu’il ressent dans son corps, les adultes peuvent l’aider en posant des questions :

  • Comment ça fait dans ton ventre ? et dans ta gorge ?
  • Comment ça fait dans ta poitrine : est-ce que c’est tout serré ? est-ce que tu sens que l’air a du mal passé ? tu dirais que c’est tendu ?
  • Est-ce qu’il y a un endroit dans ton corps où tu sens comme une impression de vide ? comme si quelque chose était coincé ?
  • Est-ce que tes muscles sont durs et te font mal ?
  • Est-ce que tu te sens déséquilibré, vacillant ou quelque chose comme ça ?
  • Je vois que tu es agité, tu trembles et tes mains sont gelées. Est-ce que ça fait froid ailleurs ?

Nous pouvons rester auprès de l’enfant en crise calmement, en offrant une présence chaleureuse, soutenante, contenante (avec un câlin si l’enfant est OK pour le recevoir). Mieux vaut respecter son souhait de ne pas être approché ou touché si c’est le cas, tout en restant ouvert aux signes qui signaleraient que l’enfant a changé d’avis et est prêt pour un contact physique.

Après quelques minutes, on pourra pointer les changements dans le corps : est-ce que la température des mains a changé ? est-ce que l’impression d’étouffer a diminué ? à quoi le vide ressemble maintenant ?

Accueillir et nommer les sensations qui accompagnent les émotions est une composante importante des compétences relationnelles car d’une part, les sensations donnent des indications sur la nature et l’intensité des émotions et, d’autre part, savoir que les sensations ne sont pas dangereuses, qu’elles finissent par passer permet de ne se laisser ni désorganiser ni submerger (s’effondrer, paniquer, faire preuve de violence…).

Pour aller plus loin : Intelligence émotionnelle et résilience : construire un vocabulaire riche autour des sensations, bénéfique tant pour les adultes que pour les enfants 

Le jeu-écoute et les jeux de chahut pour canaliser l’agressivité 

Patty Wipfler est la fondatrice de l’approche « Grandir Main dans la Main ». Elle a conçu l’expression “jeu-écoute” qui est une forme d’écoute dans laquelle les parents montrent leur désir de savoir ce que l’enfant pense et ressent en lui donnant clairement le rôle le plus puissant dans le jeu.

Le jeu-écoute permet aux enfants de montrer leurs soucis et leurs problèmes à leurs parents de manière non douloureuse et non violente.

Une des clés fondamentales pour écouter profondément et attentivement un enfant est une forme de réponse active assez différente de ce que nous considérons ordinairement comme un jeu. Quand vous assumez le rôle du plus petit, du moins compétent, votre enfant se sent assez confiant pour vous montrer ses pensées et ses sentiments sur les questions importantes. En tant qu’écoutant, vous cherchez des opportunités de l’aider à résoudre ses tensions autour d’un problème particulier par le rire, en jouant avec lui.- Patty Wipfler

Patty Wipfler prend l’exemple d’un enfant qui veut taper un des ses parents. Cet enfant montre à ses parents qu’il a un problème. Patty Wipfler  conseille de jouer à se tortiller et à essayer de s’échapper, ou à glapir et à dire de manière théâtrale “Non ! Ne me tape pas ! A l’aide !” Dès lors, l’enfant peut rire et continuer sur un mode ludique. Ce jeu de renversement permet à l’enfant de laisser paraître ses sentiments et ses problèmes, tout en déchargeant son énergie dans un cadre protecteur.

Ainsi, il est possible de transformer un geste agressif en jeu grâce au jeu de chahut. Le genre de bagarre dont il est question vise à donner de l’assurance à l’enfant, à l’aider à prendre conscience de son pouvoir personnel. Cela peut être des jeux du type karaté chaussettes (enlever les chaussettes de l’autre), une bataille de coussins ou d’eau, une bataille de pouces ou un jeu de Stop and Go.

Dans Qui veut jouer avec moi ?, Lawrence Cohen nous livre 10 règles pour faire des jeux de chahut des moments susceptibles de donner de l’assurance à un enfant et de renouer le contact, le tout sans violence et dans le respect de l’intégrité de chacun.

citation jeu enfant

Extrait du livre Qui veut jouer avec moi ? de Lawrence Cohen (éditions Lattes)

 

Le but de ce type de jeu est de faire vivre une situation aux enfants au cours de laquelle leurs émotions vont être atténuées et régulées plutôt qu’étouffées et au cours de laquelle les enfants vont éprouver du pouvoir personnel.

L’idée est de permettre à l’enfant de faire ce qu’il a envie de faire mais de manière atténuée pour deux bénéfices :

  • se livrer à l’agression “pour de rire” réduit le besoin de céder aux impulsions dans la vraie vie (l’énergie est libérée dans un cadre de sécurité);
  • modifier légèrement le geste agressif pour que l’enfant apprenne à contrôler son impulsivité.

Pour aller plus loin : Régulation de l’impulsivité : 5 stratégies pour développer le contrôle de soi (4 ans et +)

Prendre en compte le contexte et réfléchir aux causes des crises fréquentes et intenses d’un enfant

En parallèle, il est utile de prendre en compte le contexte et de réfléchir aux causes des crises fréquentes et intenses de l’enfant.

  • Y-a-t-il eu des changements importants dans la vie de l’enfant (divorce, déménagement, naissance d’un frère ou soeur, entrée à l’école ou à la crèche, décès dans l’entourage…) ?
  • A-t-on attendu trop longtemps avant d’intervenir sur les circonstances, conduisant à une crise explosive (par méconnaissances de la psychologie de l’enfant, de ses stades de développement, par inattention aux signes précurseurs) ?
  • Les besoins physiologiques de l’enfant sont-ils satisfaits (quantité de sommeil suffisante, nourriture ni trop sucrée ni salée, possibilité d’aller aux toilettes librement…) ?
  • L’enfant est-il surstimulé d’un point de vue des 5 sens (trop de bruit, trop de stimulation visuelles, mouvement de foule…) ?

méthode crac

……………………………….

Sources :

Qui veut jouer avec moi ? Jouer pour mieux communiquer avec nos enfants de Lawrence Cohen (éditions Poche Marabout)

Réveiller le tigre : guérir le traumatisme de Peter Levine (InterEditions)