Le cerveau des enfants se construit en relation (traiter la mémoire traumatique des parents agit sur les comportements problématiques des enfants)

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L’influence de la mémoire traumatique et des styles d’attachement des parents sur les relations familiales

Dans leur livre La régulation des émotions dans la famille, les autrices (thérapeutes et formées en Intégration du Cycle de la Vie) insistent sur la boucle relationnelle à l’œuvre dans les familles : un comportement enfantin qui pose problème aux adultes s’inscrit forcément dans une relation et il se peut que la relation soit dysfonctionnelle du fait d’une histoire traumatique parentale. Dans leur approche, elles prennent en compte le vécu des parents et l’impact de leur histoire de vie traumatique sur le fonctionnement de l’enfant. Les enfants sont par nature dépendants des adultes qui les entourent et ils ne naissent pas “hors sol” : ils se construisent en relation. Les parents portent leur propre histoire qui se traduit en style d’attachement, en valeurs familiales importantes, en actes guidés par l’inconscient. Cette histoire influence forcément les relations parents/ enfants et peut perturber la volonté des parents d’être bientraitants ainsi que les comportements des enfants.

Il est important de rappeler que la construction du système émotionnel d’un enfant dépend en grande partie de la qualité de la régulation émotionnelle dont ses figures d’attachement sont capables. Les figures d’attachement principales sont les personnes qui s’occupent le plus de l’enfant, en général la mère et le père. La qualité de la régulation émotionnelle dont un parent est capable dépend quant à lui de son propre style d’attachement et de sa mémoire traumatique. Le stress, la fatigue, l’isolement sont des facteurs qui déclenchent plus souvent la mémoire traumatique.

Ainsi, le travail d’intégration par la figure d’attachement (père ou mère) de sa propre histoire infantile a un effet apaisant sur les relations familiales et sur les comportements dits “difficiles” de l’enfant.

Le style d’attachement des parents joue un rôle dans la formation du style d’attachement de l’enfant

On comprend aussi que le style d’attachement des parents joue un rôle dans la formation du style d’attachement de l’enfant. Il est essentiel de traiter les traumatismes parentaux d’une part mais également la problématique d’attachement du parent d’autre part, pour que l’état de l’enfant puisse s’améliorer en conséquence. A partir du moment où le parent agit différemment, l’enfant peut lui aussi agir différemment (il n’a plus besoin des comportements problématiques pour tenter de trouver sa place ou combler ses besoins propres en communicant au travers de ces comportements).

Le fait que le parent soit la source de la dérégulation de l’enfant plutôt que la source de sa régulation émotionnelle met l’enfant en situation paradoxale  : la source de sa peur vient de la personne vers laquelle il tend spontanément à se réfugier en cas de détresse, d’où les tendances à la désorganisation de l’attachement chez ces enfants. Cette mémoire traumatique du parent peut continuer de s’activer, de «  rayonner  » dans les générations suivantes. Les enfants de ces adultes traumatisés deviennent alors, malgré eux, les dépositaires de l’histoire de leurs parents et manifestent, au travers de symptômes parfois très envahissants, l’existence du traumatisme enfoui et non résolu du parent (Delage & Cyrulnik, 2010  ; Lachal, 2006). – Smith, Jannet et Mann

Donner davantage de sécurité à un parent en l’aidant à intégrer sa mémoire traumatique au sein de son récit autobiographique lui permet de réagir de manière plus ajustée aux besoins de son enfant. Des réactions plus ajustées peuvent prendre la forme de la sollicitation de l’aide de l’autre parent et/ou d’une présence plus apaisante auprès de l’enfant dans les moments qui activait auparavant la mémoire traumatique.

Intégrer la mémoire traumatique en histoire autobiographique

Ne plus laisser l’inconscient détériorer les relations familiales

L’approche de l’Intégration du Cycle de la Vie consiste justement à intégrer la mémoire traumatique (inconsciente, indicible, indifférenciée dans le temps, avec des attaques de panique, des flash-backs, de l’hyperréactivité ou au contraire de l’anesthésie émotionnelle, de l’absence) en histoire autobiographique (consciente, balisée dans le temps et “racontable”). L’Intégration du Cycle de la Vie s’appuie notamment sur la construction d’une Ligne du Temps et le parentage de l’enfant – ou bébé – intérieur du parent.

Si le traumatisme n’est pas traité, il risque de continuer de «  vivre  » dans le présent, comme s’il venait de se produire, modifiant l’ensemble des comportements et la perception du monde et des relations du parent. Le traumatisme modifie alors en profondeur l’état d’être du parent qui risque d’organiser sa vie autour de ce traumatisme enfoui (dissocié) mais toujours en «  activité  » à l’intérieur de lui. – Smith, Jannet et Mann

Parfois, les relations familiales étaient sereines jusqu’à un certain âge de l’enfant à partir duquel il commence à s’opposer constamment, à se montrer violent, à ne plus vouloir manger ou dormir…

Smith, Jannet et Mann estiment qu’il est important d’identifier à partir de quel âge ces troubles sont apparus. Cela permet ensuite d’explorer l’histoire du parent en difficulté et de traiter cet âge dans l’histoire de la figure d’attachement pour résorber les troubles de l’enfant.

La nécessaire insuffisance des techniques et stratégies de communication de la parentalité positive

On comprend à travers ce rôle de la mémoire traumatique et des styles d’attachement que lire des livres de parentalité positive avec des “astuces pour communiquer” ne peut pas suffire à vivre des relations familiales harmonieuses. Il est normal de ne pas arriver à mettre en pratique des stratégies de communication quand on a une mémoire traumatique qui s’active à chaque colère de l’enfant ou un style d’attachement qui rend incapable de gérer son propre stress et qui désorganise à la fois les réponses émotionnelles du parent ET de l’enfant. C’est la raison pour laquelle s’engager dans une démarche d’accompagnement respectueux des enfants ne peut pas faire l’impasse d’un examen de notre propre histoire (avec un thérapeute si nécessaire ou bien au sein d’une relation de couple solide, avec des amis éclairés sur le sujet des violences éducatives et capables d’une réelle empathie, au sein de groupes de soutien dédié à ces problématiques).

Nous avons constaté qu’il suffit en général que l’un des deux parents travaille à réparer ses traumatismes non résolus pour que l’enfant se mette à aller mieux. Comme s’il suffisait que l’un des parents soit capable de se réguler en présence de la dérégulation de l’enfant pour que celui-ci apprenne à réagir autrement. – Smith, Jannet et Mann

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Source : La régulation des émotions dans la famille : l’ICV auprès des parents, des enfants et des adolescents de Joanna Smith, Anandi  Steffan Janner et Laure Mann (éditions Dunod). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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