Les mots blessants et destructeurs à éviter dans l’éducation des enfants
Les mots blessants dans l’éducation, les paroles humiliantes et dévalorisantes ont des répercussions négatives sur les enfants, d’où qu’elles viennent (parents, enseignants, familles, autres enfants…)
Les méfaits des paroles blessantes, humiliantes ou des étiquettes
Les humiliations, le dénigrement, la maltraitance verbale sont des facteurs de perte d’estime de soi, aggravent l’échec scolaire et peuvent même être à l’origine d’actes agressifs, de somatisations, de troubles anxieux ou encore de dépression (source : Pour une enfance heureuse de Catherine Gueguen).
Les étiquettes et les généralisations enferment les enfants et empêchent leur potentiel d’éclore. Les enfants s’assimilent à ce qu’ils entendent et finissent par ne plus s’autoriser à sortir de ces étiquettes. Les mots sont donc très puissants : un mot peut complètement détruire ou complètement valoriser, d’où l’importance de bien choisir nos mots au quotidien. En tant qu’adultes, nous avons le pouvoir de faire en sorte que les paroles que nous adressons aux enfants soient révélateurs de belles choses, plutôt qu’enfermants, destructeurs.
Les mots blessants à éviter dans l’éducation
Voici une liste de mots blessants dans l’éducation et de paroles destructrices à éviter quand on s’adresse aux enfants (et des propositions pour trouver des mots justes et bienveillants).
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Les adjectifs dévalorisants (tu es nul) et prophéties défaitistes (tu n’y arriveras jamais)
Les adjectifs dévalorisants et les prophéties défaitistes ont un effet autoréalisateur. Un enfant risque d’intérioriser des remarques du type « Ce n’est pas un cerveau que tu as, c’est une passoire ! », « C’est pas compliqué à comprendre pourtant ! », « Je ne sais plus quoi faire de toi ! » et de se convaincre qu’il n’est effectivement pas capable d’apprendre. Les psychologues parlent d’impuissance apprise (ou de résignation acquise) car c’est à force d’entendre qu’il n’est pas intelligent, qu’il n ‘arrivera à rien que l’enfant refuse de travailler.
Les attentes et croyances sur les compétences et le potentiel d’un enfant modifient donc son évolution et ses compétences.
Pour transformer un “mauvais” élève en bon élève, comportez vous comme s’il était bon ! C’est valable en dehors de l’école : considérer que les enfants cherchent toujours à faire de leur mieux et qu’ils ont toujours une bonne raison d’agir comme ils le font change la façon dont ils se comportent. Leurs comportements sont comme des fenêtres visibles sur leur monde interne invisible et le stade de leur développement.
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Le “Tu” accusateur
C’est ce que Jacques Salomé appelle la “communication klaxon” : tu, tu, tu. Quand on parle sur l’autre, on ne dit pas ce qui est touché en nous, ce qui se passe en nous. On gagnerait à parler de nos émotions et de nos besoins, à exprimer notre vécu et notre ressenti plutôt que critiquer ou accuser l’autre.
Exprimer notre ressenti passe de l’utilisation du « tu » à celle du « je » :
« Je suis triste/ inquiet(e)… quand…/ Je me sens découragée. »
« Je suis inquiet/inquiète et c’est vrai, j’ai peur de (te perdre/ que tu aies un accident…). Je voudrais… et c’est pour cela peut-être que j’ai envie de… »
« Je suis fatigué ce soir, le bruit m’est vraiment difficile à supporter »
« Fais donc attention, tu vas faire mal à ton frère » peut devenir « Je crains pour ton frère, comment peux-tu lui dire avec des mots ce dont tu as besoin ? »
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Le “On” généraux et les mots impersonnels
Utiliser “on” et des mots impersonnels entraîne une communication dépersonnalisée et froide. Le “on” ne permet d’impliquer ni celui qui émet le message ni celui qui le reçoit. L’émetteur et le récepteur du message gagneraient tou sles deux à passer du « on » au « je ».
Nous utilisons tous fréquemment des formules comme « maman va te donner à manger, « papa va se fâcher » ou « les enfants, venez voir la maîtresse/ le maître ». Or ce discours sous-entend que nous avons besoin de jouer un rôle, d’abandonner notre « je » pour devenir papa, maman ou enseignant.
Quand nous évacuons le « je » de notre discours, l’enfant se retrouve devant une figure d’autorité et non plus devant un homme ou une femme qu’il aime. Plus nous nous investirons dans nos relations avec les enfants en tant que personne et en assumant nos « je », plus nous faciliterons la communication avec eux. Imaginez votre tête si votre enfant venait vous dire « Ton fils/ ta fille t’aime » !
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Les étiquettes (tu es…) et les généralités (toujours, jamais, vraiment) traduisent des mots blessants dans l’éducation
Il est plus constructif et profitable de raisonner en termes de besoins des enfants plutôt que de poser des étiquettes dévalorisantes qui mettent l’accent sur les comportements inappropriés.
Chaque difficulté de comportement chez un enfant peut être reliée à un ou plusieurs besoins non comblés.
L’empathie du parent doit se manifester pour décoder le besoin qui sous-tend la difficulté de l’enfant. Satisfaire les besoins de développement chez un enfant est une responsabilité parentale. – Germain et Martin Duclos
Voici un tableau d’exemples pour remplacer les étiquettes par des besoins (extrait du livre Responsabiliser son enfant de Germain et Martin Duclos) :
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Les retraits d’amour et le chantage affectif
Les retraits d’amour et le chantage affectif sont les derniers retranchements des parents qui se réfugient maladroitement derrière le pouvoir absolu qu’ils possèdent (y compris le droit de privation d’amour). C’est la personnalité de l’enfant qui est rejetée en bloc et ces phrases fragilisent le lien de confiance parents/ enfants : j’en ai marre de toi; je ne t’aime plus; si tu continues je t’abandonne; heureusement que je t’aime sinon je ne ferais pas la moitié de ce que je fais pour toi.
Abstenez-vous de jouer avec les sentiments de votre enfant ! Il est important de lui dire que vous l’aimez et que vous ne pouvez pas tolérer son attitude pour autant, que vous avez besoin d’être traité avec respect. Laissez-lui la liberté d’extérioriser ses « méchantes » pensées, ses colères. Un enfant ne manquera pas de respect à un parent qui fait preuve de tolérance à son égard. Il l’aide au contraire à gérer ses émotions. – Caroline et Joseph Messinger
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Le “Je te l’avais dit !”
Quand on souligne que l’interlocuteur a tort, on ne l’aide pas à développer son autonomie et son estime de soi. Une alternative pourrait plutôt être de demander comment faire la prochaine fois, voire ne rien dire du tout : c’est la vie et l’expérience vécue, intériorisée qui donne la leçon.
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Le jugement et la critique sont des mots blessants dans l’éducation
Marshall Rosenberg, fondateur de la Communication NonViolente, écrit qu’on finira toujours par payer d’une manière ou d’une autre une critique, un jugement. Pour lui, toute critique et tout jugement viennent de besoins non satisfaits : “tout jugement est l’expression tragique d’un magnifique besoin”. Communiquer avec la Communication NonViolente implique de trouver le besoin non satisfait qui se cache derrière chacun de nos jugements car les besoins sont la vie qui cherche une expression !
Notre manque de « connaissance du langage des besoins » est un obstacle à la résolution pacifique des conflits.
Nous pouvons nous entraîner, comme un jeu, à tenter de deviner les besoins à l’origine de n’importe quel message. Cette capacité à discerner les besoins des autres est capitale dans la résolution des conflits :
« Quand tu dis cela, est-ce parce que tu as besoin de… ? »
« Tu as vraiment besoin de sentir que… ? »
«On dirait que cela te tient vraiment à coeur de … C’est ça ? »
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Les suppositions, déductions ou interprétations à la place des autres
Les Quatre Accords Toltèques nous invitent à ne pas faire de suppositions mais à plutôt poser des questions et à exprimer nos émotions, nos besoins. Nous pouvons choisir d’aller chercher la vérité, de comprendre les motivations des uns et des autres, d’accueillir les émotions.
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Les conseils : “tu devrais”, “il faudrait que…” et les solutions toutes faites
Selon Thomas Gordon, les conseils, les suggestions, les solutions sont souvent ressentis par l’enfant comme la preuve que les adultes n’ont pas confiance en son jugement ou en sa capacité de trouver ses propres solutions.
Ces messages peuvent créer :
- une dépendance (les enfants ne sont pas capables de décider par eux-mêmes ce qu’ils devraient faire et cherchent toujours conseils et approbations sans oser prendre d’initiatives),
- un sentiment d’infériorité (“pourquoi je n’y ai pas pensé ? les autre savent toujours mieux que moi !”),
- une attitude de rejet (“laisse moi faire tout seul”),
- l’habitude de consacrer son temps à lutter contre les idées des adultes, ne laissant aucune opportunité pour élaborer les leurs.
On pourrait à la place accueillir les émotions des enfants sans chercher à trouver une solution à leurs problèmes, leur poser des questions ouvertes pour leur permettre d’accéder à leurs propres idées, demander la permission de leur donner un conseil, leur demander ce qu’ils en pensent.
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Le “mais” qui annule l’accueil des émotions
Quand on relève ce qui va bien ou quand on accueille des émotions, relever ce qui ne va toujours pas annule l’effet positif. Jeanne Siaud-Facchin, psychologue, écrit :
Tu as eu 12 à ton contrôle de maths alors que d’habitude, tu as 8, tu dois être satisfait(e) ! », parfait, l’endorphine est libérée (hormone du plaisir) « … mais tu vois, si tu avais travaillé avant, tu aurais pu avoir la moyenne plus tôt ! ». Patatras, ce « mais » où vous exprimez votre déception enclenche la sécrétion du cortisol, hormone du stress, qui, plus puissante que l’endorphine, en annule tous les effets. L’enfant reste avec ce stress… et vous aussi ! C’est exactement comme si vous n’aviez jamais félicité votre enfant !
Inutile d’associer encouragements et réprobations : le mot “mais” annule les bienfaits des paroles empathiques.
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L’abus de négations, d’injonctions et d’interdictions
On peut choisir nos batailles et réfléchir à ce qui motive nos refus. Les formulations positives ont par ailleurs plusieurs avantages :
- être mieux traitées par le cerveau des enfants car dire ce qu’on ne veut pas ne rend pas clair ce qu’on veut,
- transformer les interdits en consignes, en règles.
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Les mots croyances ou idées reçues pessimistes ou négatives
Des mots blessants dans l’éducation comme “C’est comme ça !”, “Dans la famille, on est nul en math”, “La vie est dure” ou “On n’a pas le choix !” participent à construire des idées préconçues défaitistes sur la vie.
Or les enfants naissent avec l’espoir qu’il y aura dehors quelque chose à découvrir et à faire. Les enfants humains veulent trouver des choses qui les feront grandir, qui les rendront autonomes. Réduire à néant ces attentes a un impact négatif sur leur bon développement et a un côté enfermant, qui ne conduit ni à l’éclosion du potentiel ni à une personnalité curieuse, confiante, optimiste.
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La négations des émotions
Les émotions ont un rôle souvent négligé dans le psychisme humain. Isabelle Filliozat utilise l’expression « émotions guérissantes » dans le sens où c’est l’expression de l’émotion qui est guérissante.
L’émotion est une réaction physiologique de notre organisme : c’est le déluge d’hormones qui préparent notre corps et l’aident à faire face à une situation donnée. Sans émotion, nous ne serions pas vivants. Les émotions sont des états, elles ne sont donc pas des traits de caractères. Un enfant qui pleure n’est pas un enfant pleurnichard ou faible : il pleure pour décharger la tension en lui.
L’émotion est une structure en 3 étapes :
- la charge : quand ça monte à l’intérieur, quand on ressent les sensations corporelles liées à l’émotion (gorge sèche, rythme cardiaque qui s’accélère…).
- la tension : on utilise l’énergie de l’émotion dans une action, une parole, un comportement.
- la décharge : le moment où l’on pleure, crie, tremble… La décharge n’est que la 3° partie de l’émotion, c’est l’étape qui permet le retour au calme.
Quand on est face à un enfant, il s’agit alors de ne pas empêcher cette 3° étape qui est souvent confondue avec l’émotion elle-même. L’enfant a besoin de se décharger pour ne pas rester en tension. Comme cette tension n’est plus utile, elle doit pouvoir sortir du corps en s’extériorisant.
Ce n’est pas la souffrance des frustrations de l’enfance qui entraine des troubles psychiques, de la violence ou des rapports de force, mais plutôt l’interdiction de cette souffrance, l’interdiction de vivre, de verbaliser et de dire la douleur des frustrations subies, interdiction qui émane de l’éducation et des parents (sous forme d’injonctions comme « ne pleure pas », « on ne se plaint pas », « tu pleures pour ça ? », « arrête ton caprice », « c’est rien », « bouh, le bébé qui pleure », « t’es pas beau/belle quand tu pleures », « si tu te mets en colère, tu seras puni/e », «c’est pas grave »…).
Quand l’enfant n’a pas le droit d’exprimer ses frustrations, il doit réprimer ou nier ses réactions affectives, qui s’amassent en lui jusqu’à l’âge adulte pour trouver alors une forme d’exutoire déjà différente (pouvant aller de troubles psychiques mineurs jusqu’à la toxicomanie ou encore le suicide, en passant par la violence éducative ordinaire).
Ce n’est pas le traumatisme en lui-même qui rend malade mais le désespoir total, inconscient et refoulé de ne pas pouvoir s’exprimer au sujet de ce que l’on a subi, de n’avoir pas le droit de manifester de sentiments de colère, d’humiliation, de désespoir, d’impuissance ni de tristesse, ni même le droit de les vivre. – Alice Miller
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Les doubles messages et les messages non alignés
Nous envoyons parfois des messages contradictoires : “Dis bonjour à la dame !” et “Ne parle jamais à des inconnus !”.
Nous sommes des êtres partagés par des désirs et des peurs contradictoires et nous pouvons reconnaître nos peurs et nos sentiments ambivalents.
« C’est vrai que je suis heureux/se de ton choix de partir à Paris pour tes études. En même temps, je me fais du souci. »
Catherine Gueguen, pédiatre française, nous rappelle que les adultes ne sont pas les seuls en cause quand il s’agit de paroles humiliantes. Ce type de paroles prononcées par d’autres enfants ont aussi des répercussions délétères. Changer notre façon de nous adresser aux enfants pourra créer une espèce de cercle vertueux car les enfants reproduisent la manière dont ils sont traités.
Remplacer les mots non respectueux ou blessants par des mots bienveillants et valorisants a donc un double avantage :
- renforcer l’estime de soi des enfants et assurer un développement humain sain,
- propager la communication bienveillante par l’exemple et la contamination.