De nombreuses difficultés correspondent en réalité à des étapes de développement normales par lesquelles passent tous les enfants

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De nombreux comportements enfantins qui posent des problèmes aux parents au quotidien (comme le sommeil, l’alimentation ou l’agressivité qui se manifeste dans les morsures par exemple) correspondent en réalité à des étapes de développement par lesquelles passent tous les enfants. Il est normal que les bébés aient des comportements de bébés, et que les tout-petits agissent comme des tout-petits. Ainsi, un enfant ne comprend peut-être pas une consigne car son cerveau n’est pas assez développé pour en comprendre le sens. Ou alors il ne peut pas respecter une règle car son développement moteur ne le permet pas (par exemple, un jeune enfant dit “trop maladroit” peut être envisagé comme un enfant dont la coordination oeil-main est en cours de développement). Ou encore un enfant peut se mettre à mentir parce qu’il est entré dans l’âge de l’imaginaire et qu’il ne fait plus vraiment la différence entre réalité et imagination, et que cela l’amuse de créer une monde alternatif.

Le problème que cela pose est que très souvent il n’y a pas de solution magique. Parce que vous ne pouvez pas réparer quelque chose qui n’est pas cassé et vous ne pouvez pas accélérer le développement et faire agir un enfant d’une façon beaucoup trop mature pour son âge. – Sarah Ockwell-Smith (psychologue et doula)

Le sommeil

Une des questions que tout jeune parent se voit poser dès que l’enfant atteint 1 ou 2 mois est : « Est-ce qu’il fait ses nuits ? ». SI la réponse est négative, des conseils plus ou moins avisés sont vite formulés pour que le bébé “fasse ses nuits” (alors que les parents auraient surtout besoin d’empathie et de savoir que c’est juste normal qu’un bébé se réveille plusieurs fois par nuit).

Rosa Jové est pédopsychiatre et propose dans son livre des informations scientifiques et rigoureuses au sujet du sommeil des bébés. Ce livre vise surtout à faire comprendre que la plupart des “problèmes” de sommeil des bébés sont dûs à l’organisation de notre société actuelle qui nous empêche de concilier la nature du sommeil des petits, nos conventions/normes sociales et nos obligations professionnelles d’adultes.

Ainsi, Rosa Jové s’applique à démontrer que les bébés n’ont pas besoin de méthodes pour apprendre à dormir et que le fait de laisser un bébé pleurer pour lui apprendre à dormir est non seulement inutile mais aussi nocif.

Ce livre est donc plus informatif que pratique mais permet de comprendre les mécanismes du sommeil des enfants et de savoir à quel moment s’inquiéter d’un éventuel problème et ce que nous pouvons faire avec bienveillance.

Le sommeil satisfait ou accompagne la plupart des besoins que nous éprouverons à chaque moment de notre nouvelle vie. Et logiquement, au fur et à mesure de l’évolution de nos besoins, le sommeil évolue lui aussi. – Rosa  Jové

La pédopsychiatre explique que le sommeil s’aligne sur nos besoins à chaque instant de notre vie et essayer de modifier cet état de fait peut avoir des effets délétères.

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Considérant la durée très courte des congés maternité et paternité, il n’est pas étonnant que l’enjeu soit fort pour les parents : il faut que l’enfant dorme, sans quoi ils ne pourront pas « tenir » (surtout quand il y a des aînés). C’est alors bien compréhensible que les parents cherchent des moyens pour “faire dormir” les bébés. C’est d’autant plus vrai que la fatigue peut avoir des répercussions violentes sur le couple (disputes), la vie de famille (impatience et manque de bienveillance envers les aînés, risque de « bébé secoué », etc.) et le travail (manque de concentration ou de productivité, erreur, risque d’accident, etc.).

Or il se trouve que ces attentes sociales et professionnelles sont en contradiction totale avec le développement naturel du sommeil et des besoins des jeunes enfants. Ce sont notre organisation sociale et notre culture qui sont à revoir…

Presque tous les parents se demandent en effet comment concilier bienveillance (écoute et respect des besoins du bébé) et vie active. Certains parents choisissent d’aménager leur carrière (voire de réorganiser complètement leur vie à l’arrivé d’un enfant) mais ce choix n’est pas toujours possible ni voulu. Dans d’autres cas, le sommeil partagé (ou cododo) est envisagé comme une option qui satisfait les besoins tant des parents que des enfants.

 

L’agressivité

L’inhibition, l’attention et la planification sont en cours de maturation dans le cerveau jusque vers l’âge de 7 ans. Tous les parents ont été confrontés à un moment ou un autre à un enfant en proie à de véritables crises émotionnelles qui l’ont amené à hurler, à se rouler par terre, à jeter ses jouets, à taper, griffer ou encore à mordre. Cela s’explique par le fait que les jeunes enfants subissent leurs émotions sans filtre. Il leur est impossible de s’apaiser seuls ou de prendre du recul sur ce qu’ils sont en train de vivre. La capacité d’inhibition des jeunes enfants est également en cours de maturation et leur impulsivité est normale. Ils éprouvent des difficultés à ne pas dire tout haut ce qu’ils pensent et à maintenir leur attention sur des tâches qui durent.

Pourtant, dès 3 ans, certains enfants montrent plus de difficultés que les autres à contenir leurs pensées ou leurs gestes. On parle de difficulté quand l’enfant présente une impulsivité et une inattention qui l’empêchent de répondre aux demandes de son environnement (à la maison, à l’école ou tout autre contexte de collectivité).

Les morsures

Parmi les raisons les plus courantes qui déclenchent la morsure d’un enfant, on peut citer :

  • un manque de compétences langagières pour exprimer des besoins,
  • une immaturité émotionnelle qui conduit l’enfant à être submergé par ses émotions,
  • une immaturité motrice et cognitive qui empêche l’enfant de réguler ses impulsions,
  • une surstimulation sensorielle qui désorganise l’enfant (trop de bruit, trop de lumière, trop de mouvement ou d’activité dans l’environnement),
  • un besoin d’expérience et d’expérimentation des relations de cause/ conséquence,
  • un état de fatigue ou de stress qui dégrade la capacité à parler ou à réguler l’impulsivité,
  • un besoin de se soulager les gencives quand les dents poussent,
  • un besoin de stimulation orale,
  • un besoin de jeu libre, d’autonomie, d’exercice du pouvoir personnel,
  • une communication des limites physiques personnelles, une défense de la distance physique ressentie comme nécessaire et violée.

Pour aller plus loin : L’enfant qui mord : le comprendre et l’accompagner avec bienveillance

Les compétences verbales 

Certains enfants ne disposent pas – ou pas encore – des compétences verbales lui permettant de se faire comprendre ou de bien comprendre les consignes. Si un enfant ne comprend pas une consigne, il ne peut pas la respecter; s’il n’arrive pas à exprimer ses besoins ou envies, il ne peut pas parvenir à leur satisfaction par l’intermédiaire de l’adulte. Mieux vaut s’adresser à l’enfant avec des demandes courtes, simples, en utilisant la communication non verbale (se placer à hauteur de ses yeux pour capter son regard, être bien présent et ancré, accompagner la demande de gestes). Chez les jeunes enfants, proposer des choix a un effet stressant. Les jeunes enfants (moins de 5 ans) ont avant tout besoin d’instructions claires et bienveillantes.

Attention à ne pas partir du principe que toutes les difficultés sont normales 

Les troubles du développement existent et partir du principe que les difficultés vont nécessairement se résoudre seules peut entraîner un retard de prise en charge. Certaines causes peuvent être responsables des comportements qui nous posent des difficultés chez un enfant, comme la grande prématurité, les troubles auditifs, l’épilepsie ou encore les troubles du sommeil. Certaines affections neurologiques  peuvent également entraîner des comportements difficiles. De même, des troubles psychiatriques ou des anomalies du neurodéveloppement peuvent être à l’origine de difficultés.

En cas de doute, les professionnels (médecins traitants, pédiatres, orthophonistes, pédopsychiatres, neuropsychologues entre autres) sont les plus compétents pour détecter un éventuel trouble en fonction d’outils calibrés pour des bilans diagnostics (par exemple, en fonction de la courbe de croissance) et pour orienter vers une prise en charge adaptée si elle est nécessaire.

Comprendre les étapes du développement des enfants aide à cheminer vers des relations plus apaisées, sans être pour autant un remède anti-crise

Un comportement n’est jamais « tout génétique » ou « tout environnement ».

Ni les gènes, ni l’environnement de la petite enfance n’expliquent à eux seuls le comportement d’un humain. Ces deux phénomènes semblent plutôt intriqués, causant la grande diversité des comportements humains. Ainsi, l’environnement dans lequel un humain évolue peut favoriser (ou au contraire défavoriser) des comportements violents car l’expression des gènes est directement et durablement modifiée par le milieu. On comprend d’autant plus l’intérêt de la diffusion des informations autour de

  • l’éducation bientraitante (informations sur les besoins affectifs des enfants, ressources pour accompagner les émotions des enfants, stades de développement des enfants, théorie de l’attachement…);
  • des obstacles que les parents peuvent rencontrer sur leur chemin vers la bientraitance éducative (mémoire traumatique, style d’attachement adulte, contexte culturel, politiques familiales et organisation sociale…).

A lire pour compléter : Pourquoi un enfant est-il difficile ?

Les parents : des êtres humains authentiques, avec des limites personnelles et des valeurs

Le temps et la patience sont des alliés précieux. Ces alliés sont plus précieux que les corrections rapides, les astuces de vie faciles ou les solutions révolutionnaires. Comprendre pourquoi les enfants réagissent de telle ou telle façon, c’est appréhender leurs comportements différemment, mais cela n’est pas synonyme de faire obligatoirement comme ci ou comme ça. En matière de parentalité, Internet peut nous amener à courir derrière les conseils et informations. Si nous suivons à la lettre ce qui est recommandé, nous pensons que nos relations familiales seront apaisées, que nous serons un meilleur parent et qu’il n’y aura plus jamais d’opposition, de refus ou  de crises. Il nous appartient de rester critiques ou prudents à propos de ce que nous lisons. Face aux articles et conseils proposés sur internet (y compris sur ce blog), conserver son discernement au sujet des témoignages ou conseils permet de ne pas les considérer comme des guides rigides ou des solutions miracles. Si les idées développées dans un blog ou un livre font augmenter le niveau de stress plutôt que celui de satisfaction, alors mieux vaut se défaire de ce qui ne convient pas et génère de la tension, ou bien adopter progressivement des changements d’habitude.

Nous avons évidemment le droit de nous sentir contrariés, voire franchement énervés, par certains comportements de nos enfants. Nous avons le droit de perdre patience sans nous autoflageller à nous en rendre malades ou nous épuiser. Peut-être que nos exigences sont trop élevées : est-ce bien réaliste de ne jamais hausser la voix ? Les mots dépassent les pensées, ça arrive. Les enfants ont besoin de savoir que leurs parents ont des émotions, se mettent en colère, savent exprimer avec vigueur leurs limites, puis qu’ils sachent s’excuser. Demander pardon n’est pas facile pour la plupart d’entre nous mais cette faculté peut être apprise. Le fait de demander pardon et de s’excuser est important dans le sens où cela répare le lien et démontre une volonté de maintenir la relation vivante dans une démarche respectueuse de l’autre.

Le fait de demander pardon et de s’excuser ne doit pas pour autant être un moyen “facile” de se débarrasser d’un problème (exemple : je demande pardon à ma femme pour qu’elle arrête d’être sur mon dos parce que j’ai oublié son anniversaire ou alors je m’excuse auprès de mon enfant pour lui avoir crié dessus mais je recommence le lendemain et tous les jours suivants). Par ailleurs, le fait d’avoir demandé pardon ne doit pas devenir en soi une excuse (“Mais je t’ai demandé pardon donc c’est bon, c’est réglé”). Les excuses doivent à la fois être empreintes de respect envers l’autre et amorcer une démarche de changement personnel.

Lire aussi : Oser s’excuser (y compris en tant que parents envers les enfants) n’est pas chose aisée mais est essentiel pour des relations bien-traitantes

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C’est à partir de ces constats que j’ai conçu l’approche de la co-éducation émotionnelle. Il s’agit de raisonner autrement face aux comportements des enfants qui nous mettent en difficulté (plutôt que chercher à plaquer des outils de communication ou des astuces de parentalité positive, au risque de constater que la bienveillance, ça ne marche pas). La lecture de mon livre La co-éducation émotionnelle : s’élever en même temps qu’on élève les enfants (éditions Hatier) vous donnera des pistes pour aborder la parentalité avec des clés de décryptage de nos propres réactions éducatives et des réactions des enfants. Il est disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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