Panique d’attachement : quand les enfants sont en proie à une anxiété de séparation intense
Une panique d’attachement chez un enfant peut être impressionnante car elle fait référence à une réaction anxieuse intense qui peut se manifester par des réactions émotionnelles fortes face à la séparation, alternant comportements d’accrochage désespérés, pleurs et colère. Dans son livre J’ai plus peur ! Aider un enfant à surmonter ses craintes, Lawrence Cohen, psychologue spécialisé dans la parentalité ludique, rappelle que les enfants internalisent nos paroles et nos réactions. Cette internalisation ne se produit pas du jour au lendemain mais au cours des interactions quotidiennes et, en particulier, celles où les parents répondent aux besoins des enfants et font comprendre à ces derniers qu’ils peuvent compter sur eux. Afin de comprendre l’importance d’accueillir les émotions des enfants et de répondre à leur détresse, nous pouvons garder en tête une question clé qui nous aidera à maintenir un cap bienveillant : Quel genre de voix est-ce que j’aimerais que mon enfant entende dans sa tête (maintenant et tout au long de sa vie) ? Cette petite voix interne dépend de la façon dont nous les traitons quand ils manifestent de la détresse, de la peur, de la colère, de la tristesse.
Attachement et anxiété
Quand on s’intéresse à la théorie de l’attachement, on comprend que les enfants qui n’ont pas internalisé cette “petite voix nourricière et confiante” risquent de développer un attachement insécure et de l’anxiété de séparation. Une légère anxiété est toutefois utile parce qu’elle sert à se protéger en cas de menace et danger. Avoir peur des inconnus a un effet protecteur et signifie que l’enfant sait reconnaître les visages familiers des visages inconnus. Les enfants non sujets à l’anxiété arrivent à surmonter ces moments d’anxiété grâce aux réponses de leurs parents (ou autres figures d’attachement) qui passent par de l’affection, de la tendresse, de la patience et qui construisent pas à pas le sentiment de sécurité de l’enfant. L’attachement sécure se construit peu à peu grâce à de multiples expérience répétées avec les figures d’attachement qui s’occupent de l’enfant régulièrement de manière bienveillante, chaleureuse et empathique. Les figures d’attachement n’ont pas à être parfaites mais celles qui sont sécurisantes savent examiner leurs erreurs, réparer la relation et apporter globalement un climat de sécurité physique et affectif à l’enfant.
Lawrence Cohen écrit que les enfants souffrant d’une forte anxiété de séparation ont des difficultés à intérioriser une base de sécurité solide, pour une raison ou une autre (cela peut être parce que le parent est lui-même de nature anxieuse, parce qu’un ou les deux parents sont fréquemment absents, parce que les parents n’arrivent pas à accueillir les émotions difficiles des enfants en lien avec leur mémoire traumatique ou la socioculture ambiante…) Les enfants anxieux traversent de longs épisodes de détresse modérée au lieu d’éprouver de brèves périodes de détresse modérée. Ils ont besoin de davantage de réconfort et notamment de câlins, peu importe leur âge.
Comment aider les enfants en proie à de l’anxiété de séparation et à des paniques d’attachement ?
L’isolement augmente la panique d’attachement.
Quand on reconnaît une panique d’attachement chez un enfant (anxiété de séparation intense qui se traduit par de l’agitation, de la confusion et une recherche frénétique de réconfort), il est utile de réconforter l’enfant jusqu’à apaisement (lui dire de faire des efforts pour se calmer ou l’envoyer au coin pour qu’il se calme augmente la panique).
Si vous avez déjà mis au coin un enfant hurlant et balançant des coups de pied, alors vous avez fait l’expérience d’une panique d’attachement. Avant que vous ne décidiez de l’éloigner, votre enfant se sentait probablement déjà déconnecté de vous, d’où son comportement. Et, maintenant, pendant que vous entraînez votre enfant vers son “coin”, il panique à l’idée d’être bientôt séparé de vous. Peu importe combien de temps vous avez prévu de le “mettre au coin”, peu importe ce qu’il a fait pour “mériter” d’y aller. Quand vous reconnaissez une panique d’attachement, il est pertinent de changer immédiatement votre attitude et de rassurer votre enfant jusqu’à ce qu’il soit complètement apaisé. – Lawrence Cohen
Lire aussi : L’isolement forcé (coin) et l’exclusion d’un enfant sont violents (et inefficaces)
3 pistes pour aider les enfants en proie à de l’anxiété de séparation
- 1. Certains enfants ont peut-être besoin de passer plus de temps avec leurs parents pour abaisser leur niveau d’anxiété car celle-ci peut être liée à des séparations parents/ enfants fréquentes.
Quand vous rentrez enfin chez vous, ils ont besoin que vous laissiez votre travail de côté et que vous jouiez avec eux. Mais, à votre retour, attendez-vous à leur tristesse ou leur colère. Ils montrent ainsi ce que votre absence a suscité en eux. Ils se cacheront peut-être, vous ignoreront ou provoqueront une dispute. Partez à leur poursuite et renouez avec eux. Ils vous montrent juste à quel point vous leur avez manqué. – Lawrence Cohen
- 2. Parler de l’attachement de manière imagée peut aider l’enfant à combler ses besoins : “Quand tu manges, tu remplis ton estomac qui te disait que tu avais faim. Tu as un autre réservoir qui fonctionne un peu comme un estomac : c’est ton réservoir d’amour. Quand il est vide, tu peux te sentir triste, ou en colère même parfois. Ce réservoir d’amour peut se remplir avec des câlins et des jeux. Quand tu sens que ton réservoir d’amour est vide, tu peux me le dire et je le remplirai. Et on fera en sorte qu’il se vide le moins possible en passant du temps ensemble, en faisant des jeux aussi souvent que possible. “
- 3. Passer par le jeu et la parentalité ludique :
- le jeu “Je ne te laisserai jamais partir” : parent et enfant intervertissent les rôles et l’adulte se cramponne à l’enfant en lui disant “Je ne te laisserai jamais partir, jamais, jamais !” sur un ton léger, exagéré. Il ne s’agit ici pas de forcer l’enfant s’il évite le jeu ni de tomber dans le sarcasme. Plus on exagère la proximité affective et physique avec humour, plus on aide l’enfant à retrouver l’équilibre entre connexion et indépendance.
- envoyer les enfants en mission secrète dans différentes pièces de la maison
- mesurer de combien de mètres ou de pas on peut s’éloigner en tenant chacun le bout d’une ficelle
- si l’enfant réclame sa mère uniquement et que les personnes qui s’en occupent se sentent démunis, voire rejetés, le jeu “Elle est où maman ?” peut aider les enfants à se sentir compris : on la cherche partout, même sous les coussins, sous les couvertures, sous les meubles (après avoir témoigné de l’empathie à l’enfant en reconnaissant qu’il est triste et qu’il voudrait sa maman).
Il est utile de garder en tête que l’attachement et l’autonomie fonctionnent ensemble. Un enfant a autant besoin d’attachement que d’opportunités pour développer sa personnalité et son autonomie. Les humains ont besoin d’aller découvrir le monde de manière progressive, d’abord à quelque mètres de leurs parents, puis à quelques centaines de kilomètres à l’adolescence. Pour que le processus d’individuation se réalise de manière sereine, il est nécessaire que l’enfant sache qu’il peut revenir à sa base de sécurité en cas de problème (auprès de ses figures d’attachement). Une attitude surprotectrice, qui part souvent d’un bon sentiment, prive l’enfant d’occasions de vivre des petites séparations supportables sous la responsabilité d’un adulte de confiance. Il ne s’agit pas de forcer un enfant à aller voir d’autres enfants au parc ou de l’envoyer en colonie pour qu’il apprenne à se débrouiller seul alors qu’il n’en a pas envie. Il s’agit plutôt d’adopter l’attitude des petits pas (empathie et accompagnement) et de regarder en soi-même en tant qu’adulte (est-ce que je suis prêt à me séparer de mon enfant ? qu’est-ce qui y fait obstacle ? est-ce justifié, notamment en lien avec son âge, ses besoins et ses envies ? ai-je confiance dans les personnes qui vont s’occuper de lui ? comment m’assurer de leurs compétences ? quelle est l’influence de mon propre style d’attachement sur mes réticences ?…).
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Source : J’ai plus peur ! Aider un enfant à surmonter ses craintes de Lawrence Cohen (éditions JC Lattes). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur les sites de ecommerce.