Le paternage : la participation aux soins du bébé et le soutien de la mère

Les difficultés à devenir père

Théorie de l’attachement et rejet du père par le bébé 

Quand un jeune enfant ne veut pas faire de bisous ou de câlins à son père, que le bébé pleure quand son père s’approche et refuse d’être pris dans ses bras ou ne “réclame” que les bras de sa mère, le père peut se sentir contrarié ou frustré. Pourtant, ce sont les besoins de l’adulte qui sont en jeu, pas celui de l’enfant. La théorie de l’attachement peut nous donner des éléments de compréhension aux réactions des enfants et d’apaisement aux jeunes pères.

La théorie de l’attachement est une théorie des besoins émotionnels des bébés. Quand la figure d’attachement répond aux besoins émotionnels de l’enfant, ce dernier se sent mieux et peut se calmer. Dès le début de la vie humaine et tout au long de celle-ci, toutes les situations de détresse d’un enfant déclenchent des comportements d’attachement. Les situations de détresse dépendent de l’environnement ou des sensations de l’enfant (par exemple, une dent qui perce).

C’est l’enfant qui s’attache : il cherche la sécurité, la compréhension et le contact auprès de ses figures d’attachement. C’est la figure d’attachement (l’adulte) qui comprend, prend soin et protège.

Les figures d’attachement sont les personnes qui élèvent l’enfant dans les premiers mois de sa vie : le plus souvent, la mère et le père, puis les substituts parentaux (comme la nounou ou les éducateurs de la crèche, les grands parents, les tantes et oncles…).

La figure d’attachement principale est celle qui s’est occupée le plus souvent et le plus durablement de l’enfant pendant ses premiers mois de vie. Il est important de savoir que cette hiérarchisation des figures d’attachement a une nécessité vitale et instinctive. Dans la nature, l’enfant avait intérêt à ne pas réfléchir afin de choisir vers quelles figures se tourner mais plutôt intérêt à filer le plus vite possible vers une figure d’attachement préférentielle pour assurer ses chances de survie. Ainsi, le fait que les bébés se tournent plus vers la mère que vers le père n’a rien à voir avec un manque d’amour envers le père, mais avec la construction du lien d’attachement.

Une présence bienveillante de la part du père envers l’enfant vient en général à bout des difficultés, mais cela peut prendre du temps (parfois plusieurs années avant que l’enfant se tourne pleinement vers le père et que le père prenne un réel plaisir dans sa relation à son enfant).

Quatrième mois de grossesse (expression d’Ingrid Bayot, sage femme) et paternage 

Durant les premiers mois suivant la naissance, la mère et le bébé ont un besoin physiologique de proximité intense, en continuité avec la vie fœtale pour le bébé, favorisant la meilleure adaptation possible à la vie aérienne. C’est le « quatrième trimestre de la grossesse ».

Cette période se déroule hors des normes sociales habituelles. Les horaires sont totalement décalés, adaptés à ceux du nouveau-né. Le père a beaucoup à gagner à respecter ce rythme et à adapter le sien autant que possible à celui de la mère et de l’enfant (d’où l’importance des congés paternités plus longs et obligatoires). Une des fonctions paternelles principales les premiers mois de vie de l’enfant est la participation aux soins et au développement, qu’on peut qualifier de “paternage“.

L’allaitement ne laisse pas les pères de côté

L’allaitement ne prive pas les pères d’interactions avec leur bébé. Un bébé n’est en effet pas un simple tube digestif et ses besoins ne se limitent pas à l’alimentation. Le développement des bébés se nourrit de contacts physiques (bercements, bains, chants, regards…). Ingrid Bayot parle de « niche sensorielle » paternelle parce que les interactions père/ bébé apportent de la diversité : voix plus grave, chaleur et odeurs autres, mouvements avec une autre intensité… et non alimentaires. Ces interactions activent la curiosité du bébé et participent à son développement.

Les difficultés à devenir père

Certains pères peuvent en venir à en vouloir à leur bébé pour plusieurs raisons :

  • la mère est accaparée par le bébé et le conjoint se sent invisible, délaissé;
  • le père éprouve de la jalousie envers le bébé et peut estimer que la mère en fait trop avec le bébé et qu’il n’y en a plus que pour lui;
  • le bébé rejette le père et celui-ci se sent inutile, impuissant;
  • la vie de couple est chamboulée, tant sur le plan affectif qu’organisationnel;
  • l’absence de vie sexuelle du fait de la fatigue des deux partenaires, du manque de temps, de l’absence de désir de la compagne ou encore de douleurs liées à l’accouchement peut devenir pesante;
  • l’impression d’incompétence pour s’occuper du bébé ou une absence d’envie paternelle de prendre part aux soins peuvent générer de l’appréhension en présence de l’enfant et du détachement, voire une fuite du foyer.

Ces sentiments agressifs envers le tout-petit peuvent amener de la culpabilité chez les pères qui ne peuvent ou ne veulent pas toujours s’ouvrir à leur entourage. Il est important que les hommes trouvent un endroit où déposer ces émotions et ces pensées qui parasitent leur paternité et leur vie de couple. La capacité d’introspection, au besoin soutenue par un tiers (amis, thérapeute, groupe de soutien réel ou virtuel), et le dialogue dans le couple donnent une chance d’éviter la rupture. Quand les émotions et les besoins ne sont pas reconnus et/ou conscientisés, ils peuvent être à l’origine de conflits entre les partenaires mais aussi entre père et enfant.

Il s’agit là d’un des aspects de la parentalité au masculin où l’histoire de chaque père va se révéler, mettant en lumière la capacité de chacun à accueillir ses émotions et à reconnaître ses besoins comme un écho à la manière dont ceux-ci ont été accueillis et comblés dans l’enfance. Il est difficile de faire ce qu’on n’a pas appris et lorsqu’on est pris dans ses propres tourments, on peut être aveugle à soi et à son entourage. – Olivier Foissac (Etre père : une place à prendre au quotidien – éditions Mango)

Olivier Foissac, consultant en parentalité, estime que la conscience des pères des difficultés qu’ils rencontrent est une première étape qui leur permet d’échanger et de partager avec leur partenaire ou auprès d’autres personnes soutenantes. Mais cette conscience passe par le fait que ces difficultés ne soient pas ressenties comme des faiblesses et que les hommes puissent trouver une écoute compréhensive et non jugeante, capable d’accueillir la vulnérabilité de ces pères et disposant de connaissances ajustées au sujet de l’attachement et du développement humain.

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Pour aller plus loin : Etre père : une place à prendre au quotidien de Olivier Foissac (éditions Mango). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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