Savoir demander pardon et réparer la relation, une clé de l’intelligence émotionnelle 

Savoir demander pardon et réparer la relation, une clé de l’intelligence émotionnelle

Bien peu de gens sont suffisamment compétents au plan émotionnel pour demander sincèrement pardon sans être sur la défensive. En résumé, bien peu de gens savent dire : “je suis désolé”. – Claude Steiner

L’idée de demander pardon peut faire peur, et même paralyser : peur de perdre la face, reconnaître ses torts, de passer pour quelqu’un de faible, de s’humilier. En effet, Claude Steiner, psychologue clinicien et pionnier de l’alphabétisation émotionnelle, reconnaît qu’il nous faut franchir de nombreux obstacles avant d’être capables d’assumer nos responsabilités et de présenter des excuses sincères.

Dans son livre L’ABC des émotions, il nous propose des pistes pour assumer nos responsabilités afin d’avoir des relations émotionnellement saines et épanouissantes.

Assumer nos responsabilités concerne les blessures émotionnelles que nous commettons envers d’autres et consiste à reconnaître sincèrement, le cœur ouvert, ses torts : s’excuser mais également réparer la relation. Cela est valable dans toutes les circonstances et à tous les âges, y compris en tant que parents : savoir s’excuser et réparer la relation quand nous manquons de respect à nos enfants et enseigner aux enfants (en étant nous-mêmes de bons modèles) à demander pardon de manière authentique.

Réparer une blessure émotionnelle causée à autrui

Le triangle dramatique

Claude Steiner explique que les dégâts émotionnels qui abîment les relations sont en général liés à des mensonges ou des jeux de pouvoir adoptés quand nous endossons un rôle dans un jeu de pouvoir :

  • le rôle de Sauveteur,
  • le rôle de Persécuteur,
  • le rôle de Victime.

Claude Steiner s’inscrit dans le courant de l’Analyse transactionnelle et, à ce titre, estime que nos erreurs émotionnelles prennent racine dans les jeux psychologiques que nous sommes tous amenés à jouer à un moment ou à un autre quand nous adoptons un des trois rôles de ce qu’il appelle le Triangle dramatique.

Le Sauveteur

Pour schématiser, le rôle de Sauveteur se caractérise par une volonté excessive d’aider : nous jouons le rôle de Sauveteur quand nous faisons pour les autres des choses que nous ne voulons pas faire (pour lesquelles on se sent obligé, qui deviennent des fardeaux au fil du temps, qui ne procurent pas d’émotions positives) ou que nous faisons plus que nôtre part (le Sauveteur peut alors se sentir épuisé et exploité).

Claude Steiner distingue le sauvetage, activité humanitaire qui découle de besoins humains fondamentaux qui nous animent tous tels que le besoin de contribuer, le respect de la vie humaine ou le besoin d’amour (par exemple, sauver quelqu’un de la noyade), et le Sauvetage, rôle émotionnellement préjudiciable (pour soi et pour les autres en montrant par exemple de la sollicitude exagérée envers quelqu’un qui n’a pas pas – ou plus – besoin d’effusions émotionnelles).

Une personne qui est un Sauveteur régulier génère presque inévitablement des problèmes interpersonnels car le Sauvetage intempestif encourage la dépendance et le comportement désemparé de la personne sauvée (en effet, le besoin d’autonomie est un besoin fondamental qui anime tous les humains et les en priver provoque de la colère, du ressentiment)

Le Persécuteur

Le rôle de Persécuteur implique de la froideur émotionnelle, de la colère, des critiques acerbes, un jugement négatif et/ou un air supérieur.

Un Sauveteur peut devenir Persécuteur quand il est submergé par les besoins des personnes qu’il Sauve ou quand il estime ne pas recevoir en retour de ce qu’il a donné.

La Victime

Claude Steiner est prudent avec ce rôle de Victime : il affirme que certaines personnes sont clairement dépassées et anéanties par la volonté acharnée qu’ont d’autres de les persécuter (par exemple, les Juifs, les homosexuels ou les Tsiganes pendant la Seconde guerre mondiale). Par ailleurs, il prend de la distance avec la tendance actuelle à blâmer les femmes victimes de violences conjugales et qui restent au domicile conjugal. Quand une femme au centre d’une situation violente n’a pas les ressources nécessaires pour s’en sortir et/ou est paralysée par la menace (parfois de mort, entraînant des phénomènes de sidération et/ou de dissociation) d’un hommes violent, on entre dans des considérations sociétales et politiques (informations sur les centres d’accueil, place dans ces centres, société patriarcale, femmes qui gagnent moins que les hommes entraînant des dépendances financières…).

Ce qui est particulièrement important dans la situation Sauveteur/ Victime est que le Sauvetage engendre de la colère, qui peut dégénérer en violence de part et d’autre : le Sauveteur en a assez de Sauver (impression de se sacrifier, attente de retour à la hauteur du sacrifice, épuisement…) et la Victime en a assez d’être traitée comme une personne qui ne sait pas prendre soin d’elle même. La colère circule dans les deux sens et s’amplifie tant que le jeu psychologique ne prend pas fin.

Pour Claude Steiner, la chose émotionnellement saine à faire pour arrêter ce jeu est de s’excuser et de corriger la situation (parler de ses propres émotions et besoins, réévaluer ses pensées pour formuler des demandes en rapport avec les émotions et les besoins).

Demander pardon en relation avec le triangle dramatique

Quand on découvre qu’on a été en relation avec quelqu’un en jouant l’un de ces trois rôles, il est important d’assumer ses responsabilités et de s’excuser :

  • Sauveteur : “Quand je (action), je me rends compte que j’ai agi en sauveteur vis-à-vis de toi car j’ai fait quelque chose que je ne voulais pas faire/ j’ai fait plus que ma part”
  • Persécuteur : “Quand je (action), je t’ai persécuté parce que je t’ai parlé d’un ton en colère alors que tu n’y étais pour rien”
  • Victime : “Quand je (action), j’ai agi en victime. j’espérais que tu agisses en sauveteur pour moi.

Claude Steiner propose donc, une fois que nous avons pris conscience que nous avons adopté un rôle dans un jeu de pouvoir psychologique plutôt que montrer notre vulnérabilité et nos émotions, de demander pardon : “Je te demande pardon et je vais essayer de changer mon comportement.”, “Es-tu prêt.e à accepter mes excuses ?”.

Pour être effective, la démarche du pardon doit être acceptée par la personne à qui ce pardon est adressé. Cette personne, blessée, doit expérimenter le désir du pardon et l’accorder pleinement. Claude Steiner en déduit des conditions pour qu’une présentation d’excuses permette réellement de restaurer le lien :

Les excuses doivent être présentées sur un ton émotionnel juste de tristesse, de chagrin, de honte et/ou de regret et dénué de colère, d’orgueil ou d’auto apitoiement.

La demande doit décrire clairement et précisément les erreurs et fautes commises (dans un langage objectif et descriptif) et la personne blessée doit être d’accord sur le faire que celles-ci ont été bien décrites par la personne qui présente des excuses (c’est bien les fautes décrites qui ont causé de la souffrance et qu’elles nécessitent une demande de pardon).

Enfin, il faut que la personne qui demande pardon prenne en compte le fait que le pardon ne va pas forcément de soi et accepte d’entendre la réponse de l’autre quelle qu’elle soit (il est possible de refuser un pardon si on estime que celui-ci n’est pas sincère, ne met pas le doigt sur la vraie cause de la souffrance ou n’a pas l’intensité émotionnelle attendue).

Demander pardon pour des blessures émotionnelles graves

Nous commettons parfois des actes si blessants que, même une fois que l’acte en lui-même est oublié et que ses effets sont passés sous silence, il reste encore des cicatrices indélébiles chez les victimes qui ne peuvent être guéries que par une demande de pardon solennelle, qui prend en compte l’intensité de la souffrance et reconnaît pleinement la part prise dans cette souffrance, avec la promesse de tenter de réparer le mal commis.

Tout cela peut demander du temps.

Une fois que la demande de pardon est acceptée et que le pardon est accordé après mûre réflexion, alors peut se faire le travail de guérison psychique.

Cependant, il est important que la partie blessée soit libre de ne pas pardonner, de remettre ce pardon à plus tard ou de poser des conditions au pardon et à la reconsidération des relations.

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Source : L’A.B.C. des émotions – Un guide pour développer force personnelle et intelligence émotionnelle de Claude Steiner (éditions InterEditions).

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