3 déclencheurs de nos réactions disproportionnées et violentes contre les enfants

3 déclencheurs de nos réactions disproportionnées et violentes contre les enfants

1.Un manque de connaissance au sujet du développement et de la psychologie des enfants

Le manque de compréhension des causes des comportements des enfants peut nous dérouter et nous amener à perdre patience, même quand on sait que les jeunes enfants sont incapables de maîtriser leurs émotions du fait de l’immaturité de leur cerveau. Quand nous nous sentons incompétents, nous sommes sous stress et le risque est grand que nous perdions nos moyens, même quand nous accordons de la valeur à la non violence.

Par exemple, les supermarchés sont des lieux propices aux crises des enfants (surstimulation visuelle, auditive et olfactive)… et donc à l’impatience des parents. Céline Quelen, autrice du livre Le Petit Livre décodeur des VEO, estime que le cerveau surstimulé d’un enfant est comme un ordinateur qui « bugue », et cela entraîne les crises pendant ou après les courses, qui seront interprétées par le parent comme des caprices. Or un jeune enfant ne peut pas dire : « Je suis fatigué, j’ai envie de rentrer à la maison ». A la place, il va plutôt avoir tendance à adopter des comportements inappropriés de notre point de vue d’adultes (s’énerver, courir partout, pleurer, réclamer des gâteaux ou tout autre moyen d’attirer l’attention). Il est toutefois possible de prévenir ce genre de crises dans les lieux à risque en anticipant les besoins de l’enfant (manger, boire, bouger, jouer, apprendre, besoin d’attention et affection). Au supermarché, les parents peuvent amener une petite bouteille d’eau et quelque chose à grignoter, prévoir de faire les courses quand l’enfant est reposé et n’a pas faim. Il est également possible de faire participer l’enfant aux courses en lui donnant des responsabilités (« c’est toi qui vas choisir les bananes »). En parallèle, il est utile de donner des signes d’attention pendant les courses, par des paroles ou gestes tendres, afin de nourrir le besoin de relation de l’enfant et remplir son “seau” d’amour.

2.La peur du regard des autres

Il peut être difficile de se détacher du jugement des autres. Quand un enfant fait une crise (pleurer, crier, se rouler par terre, réclamer…), le parent sent sur lui le regard désapprobateur des gens. Certains vont être dérangés par les cris et pleurs; d’autres vont estimer que le parent est laxiste; d’autres encore vont se permettre d’intervenir auprès de l’enfant en lui disant qu’il n’est pas beau quand il pleure ou qu’il fait trop de bruit.

Le parent peut alors se sentir coupable de ne pas réprimer le comportement de l’enfant et va se déconnecter des besoins de l’enfant, ne pouvant plus lui apporter le calme et le soutien dont il a besoin. Nous sommes plus enclins à faire preuve de pratiques éducatives violentes, à nous énerver ou à ressentir le besoin de contrôler nos enfants quand nous avons peur du jugement des autres.

Malheureusement, dans une société accusant les parents permissifs de tous les maux (alors même que l’immense majorité des parents ont encore recours en masse aux fessées et aux punitions), l’empathie et le respect manifestés aux enfants sont confondus avec le fait de laisser les enfants faire tout ce qu’ils veulent.

3.Les idées reçues

Il existe des idées reçues prégnants dans notre socioculturel et qui nous empêchent d’être les parents bienveillants que nous aimerions être.

  • J’ai reçu des fessées et j’en suis pas mort, je remercie même mes parents de m’avoir bien élevé !

Dans son livre Réveiller le tigre : guérir le traumatisme, Peter Levine écrit que de nombreuses victimes de traumatisme se sont résignées à leurs symptômes (tels que maux de ventre ou de dos, sommeil difficile, humeur instable, ou encore faible taux d’énergie). Ces personnes n’essaient pas de trouver une voie qui les ramènerait à une vie normale et saine (ou alors traitent les symptômes sans penser aux causes). Le déni et l’amnésie jouent un rôle important dans le maintien de cet état de résignation. Ces personnes vont alors nier avoir été traumatisées, clamer qu’il ne leur est rien arrivé, affirmer avec fermeté qu’elles n’ont pas eu peur (et toujours pas peur maintenant) et qu’elles n’ont pas eu mal (certains enfants le disent d’ailleurs déjà : “Même pas mal !”).

Pourtant, il est important de se considérer que ce déni est en lui-même un symptôme du traumatisme. Le déni aide à préserver la vie et le fonctionnement de la personne. C’est précisément le déni de la souffrance éprouvée alors qui poussent les personnes qui ont reçu des fessées et des punitions à dire qu’ils n’en sont pas morts et qu’ils remercient leurs parents de leur avoir fait du mal “pour leur bien”.

 

  • Sans punition, j’aurais mal tourné/ L’éducation sans punition fabrique des enfants rois capricieux.

Si l’on frappe ou si l’on s’énerve auprès de l’enfant, cela lui apprendra à résoudre les conflits par la violence. – Céline Quelen

L’inefficacité des punitions peut sembler paradoxale car on imagine que, si les effets de la punition sont suffisamment désagréables, l’enfant ne va plus vouloir le subir et donc ne plus reproduire le comportement en cause. Pourtant, plusieurs facteurs expliquent l’inefficacité et même la nocivité des punitions :

  • L’enfant n’a pas un contrôle suffisant sur son comportement.
  • Le fait d’être privé va augmenter sa colère de base.
  • Son estime de soi va diminuer.
  • Son impulsivité « de base » ne lui permet pas de se représenter les conséquences sur le long terme de son comportement.

De plus, l’effet “quand le chat n’est pas là, les souris dansent” va s’appliquer : quand il n’y a pas de menace, les enfants n’auront pas développé un sens de la responsabilité et une éthique suffisamment solides pour s’autodiscipliner.

Accompagner les enfants sans punition ne veut pas dire leur laisser tout faire. On peut écouter les émotions, tout en maintenant un « non » parce que ce non est aligné avec nos valeurs et nos besoins, parce que nous nous sentons solides et compétents en tant que parents, parce que les enfants se sentent pris au sérieux.

 

  • Il faut préparer les enfants à la dureté de la vie.

Pour paraphraser Thomas d’Ansembourg, nous pouvons choisir de faire partie de la solution plutôt qu’entretenir le problème. Nous pouvons décider de ne plus faire preuve de quelque sorte de violence que ce soit envers les enfants (violences physiques, punitions, chantage, menace, retrait d’amour, isolement, cris…). Nous pouvons décider de ne plus entretenir une société violente.

Par ailleurs, des enfants élevés avec bienveillance ne sont pas forcément mal “préparés” à une société violente. Ils peuvent au contraire être plus résilients, être eux-mêmes des modèles de gestion des conflits pour les autres enfants, être suffisamment émotionnellement forts pour s’affirmer sans s’imposer. De plus, même s’ils rencontrent des difficultés et frustrations, savoir qu’ils peuvent compter sur des parents capables d’entendre leurs émotions douloureuses et de leur assurer un soutien inconditionnels, leur permet de construire une sécurité affective qui les suivra à vie.

 

  • La parentalité bienveillante, c’est culpabiliser les parents parce que c’est impossible d’être tout le temps calme.

Haïm Ginott disait déjà dans les années 1960 que ce dont on parle est d’une direction, pas de la perfection. personne ne demande aux parents d’être des maîtres zen ou des moines bouddhistes. Toutes nos émotions sont légitimes et nous avons le droit d’être en colère. Tout l’apprentissage consiste à utiliser l’énergie de colère pour affirmer des limites personnelles sans agresser ni accuser les enfants et pour servir nos besoins insatisfaits.

Il y a une grande différence entre le fait de se pardonner une erreur occasionnelle (une punition, une fessée, une parole blessante, un abus de pouvoir…) puis de s’en excuser auprès des enfants et celui de ne même pas avoir conscience que c’est effectivement une erreur, qui dégrade la santé de l’enfant, qui brouille son sens éthique et qui nuit à la qualité de la relation entre parents et enfants. Une fois que nous sommes conscients des éléments qui nous maintiennent dans un modèle éducatif traditionnel empreint de violence, nous devenons capables de regarder en face les points sur lesquels nous pourrions travailler.

 

  • C’était mieux avant, quand les enfants savaient qui commandaient

Quand on apprend à un enfant à fonctionner sous la menace (punition) ou par la promesse d’une gratification (récompense), on dégrade sa motivation interne (sa capacité à faire les choses en fonction de ses valeurs, de ses besoins, de son élan) ainsi que son éthique (il “obéit” à l’autorité sans comprendre le sens de la règle ni pour lui-même ni pour les autres).

Nous pouvons plutôt considérer un mauvais comportement comme une occasion de résoudre un problème et d’enseigner des compétences, non comme une infraction pour laquelle l’enfant doit être soumis à des “conséquences” sous formes de punitions. De plus, voir au-delà du comportement de l’enfant afin de comprendre ses motifs (émotions, sensations, besoins) et ses motivations positives (à quoi l’enfant dit-il “oui” ?) permet d’apporter des réponses adaptées.

 

  • Si tu es trop gentil, ils te boufferont à l’adolescence

Quand un parent fait preuve d’autoritarisme avec un enfant, celui-ci développera des comportements de défiance. C’est précisément en étant trop autoritaire qu’un parent risque de faire face à de la révolte de la part de son enfant à l’adolescence.

Muriel Salmona qualifie la violence d’aliénante car elle a un impact considérable sur la santé et le devenir d’un enfant. Et elle a le pouvoir de le “coloniser” et de le détourner de ce qu’il est, et de ses potentialités, d’autant plus si elle est exercée par un parent avec qui l’enfant est condamné à vivre pendant de longues années, et parfois presque toute sa vie, sans que jamais elle ne soit dénoncée, ni reconnue et réparée.

Muriel Salmona paraphrase Gilbert Cesbron : laisser un enfant subir des violences c’est une vie exceptionnelle qu’on assassine (Cesbron, 1966). C’est priver un enfant de l’avenir qui aurait pu être le sien et qu’il aurait pu choisir en toute liberté, et priver le monde de toutes ses potentialités, de toutes les réalisations qu’il aurait pu apporter, au lieu de s’épuiser à lutter pour sa survie. C’est se priver d’un monde meilleur et plus juste.

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Source : Le Petit Livre décodeur des VEO : violences éducatives ordinaires – Les clés pour identifier, prévenir et protéger de Céline Quélen (éditions First). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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