Comprendre et accompagner les enfants de 1 à 5 ans par Isabelle Filliozat
Dans le podcast RCF Traverser sans dommage la période de 1 à 5 ans (8 juin 2012), Isabelle Filliozat propose des pistes et des clés pour comprendre et accompagner les enfants de 1 à 5 ans avec bienveillance.
- Comment décrypter les comportements et réactions des jeunes enfants ?
- Comment répondre à leurs besoins ?
Ce podcast durant plus d’une heure, je vous propose d’en résumer les grandes lignes par thème.
Faire les courses avec des jeunes enfants
Les supermarchés sont des sources de surstimulation pour les enfants : le cerveau des jeunes enfants n’est pas préparé à trier toutes les stimulations auxquelles il est exposé (bruits, tentations, odeurs…). Comme le cerveau est débordé, il est sous stress et a besoin de se calmer. Deux moyens de se calmer sont :
- agir, se mettre en mouvement
- anticiper un plaisir (attraper ce qui est connu pour procurer du plaisir, comme un paquet de bonbons, de chips ou un jouet)
Par ailleurs, les enfants agissent par imitation des gestes des adultes : quand ils attrapent des choses ou mettent des produits dans le chariot, c’est surtout pour faire comme les adultes.
Isabelle Filliozat propose plusieurs pistes pour éviter les crises émotionnelles dans les supermarchés :
- expliquer : “je prends telle chose car on en a besoin pour cuisiner tel plat”
- donner des consignes et des missions aux enfants : “je te propose d’être le responsable de… Qu’est-ce que tu en penses ?” . On pourra rester à côté des enfants pour leur montrer comment choisir des fruits, les aider à les peser…
- bien choisir le moment des courses (un enfant qui a faim ou sommeil sera d’autant plus irritable et demandeurs)
- comprendre ce qu’est une décharge émotionnelle : une décharge émotionnelle montre que le cerveau est sur- ou sous-stimulé. L’enfant perd le contrôle de lui-même. Cette perte de contrôle n’est pas une colère, ni un signe de mauvaise volonté ou encore un caprice. Cela est d’autant plus vrai quand l’enfant a pris un objet source d’apaisement (le fameux paquet de bonbons ou de chips) et qu’on le lui enlève. Le fait de supprimer la source d’apaisement déclenche une décharge d’opioïdes dans l’organisme, hormones de la souffrance.
- réagir avec calme face à une décharge. Isabelle Filliozat propose de réagir en plusieurs étapes :
- prendre l’enfant dans les bras pour le contenir
- l’emmener dans un endroit retiré (cela peut être sur le parking)
- ne pas crier ni critiquer l’enfant
- l’encourager à décharger tout son stress : “pleure, crie, ça va te faire du bien”
- faire un câlin une fois que l’enfant a déchargé tout son stress
- éviter autant que possible de faire les courses avec de jeunes enfants (merci le drive :) )
Caprice, vous avez dit caprice ?
Pour Isabelle Filliozat, les caprices n’existent pas. Les parents croient souvent que les enfants font des caprices et les manipulent car ils cessent de pleurer dès que le parent s’éloignent.
Or un jeune enfant qui perd sa figure d’attachement des yeux se fige de terreur car il se sent en danger.
Quand un enfant vit un moment stressant, il décharge son stress sur sa figure d’attachement, car c’est la personne en qui il a le plus confiance et qui l’aimera toute sa vie de manière inconditionnelle.
Par exemple, Isabelle Filliozat nous dit de nous attendre à une crise pendant ou après un après midi à la fête foraine : le cerveau de l’enfant est sur stimulé dans ce genre d’endroit et cette sur stimulation est encore renforcée par l’ingestion de sucres (barbe à papa, gateaux, boissons sucrées…).
Les enfants qui mordent
La bouche est un endroit pour tester et explorer. On encourage les bébés à mordre quand ils sont leurs dents, notamment via des anneaux de dentition. Pour un tout petit, mordre n’a pas pour intention de faire mal mais plutôt d’explorer ou de s’exprimer quand les mots manquent.
L’enfant apprend petit à petit les choses qu’il peut mordre et celles qu’il ne peut pas mordre.
- Explorer
Le tout petit enfant ne comprend pas que mordre (ou même taper) fait mal : il va recommencer pour voir si le même geste engendre la même réaction. C’est notre rôle d’adulte d’expliquer avec des mots que mordre fait mal et est interdit.
- S’exprimer
Mordre donne du pouvoir quand l’enfant n’arrive pas à dire les choses. C’est là aussi notre rôle d’enseigner une autre manière de s’exprimer : “Stop, tu veux… et tu sais le demander avec des mots. Tu peux demander et parler pour te faire comprendre.”
Le jeu, un outil magique dans la relation avec les enfants
Le jeu est un outil de reconnexion, d’apaisement et d’expression émotionnelle, à condition de rire avec les enfants (et non pas rire des enfants).
Dans un bain d’amour, il n’y a pas de risque que les enfants prennent les jeux comme une moquerie.
Plus de détails sur les bienfaits du jeu dans ces articles :
- 4 situations que le jeu parents/ enfants peut aider à dénouer
- Les jeux de chahut : renouer le contact et redonner confiance à l’enfant
Le mythe de l’obéissance
Les humains, quel que soit leur âge, se rebellent contre les ordres car les ordres imposées sont une négation de leur souveraineté et de leur individualité. Quand on oblige les enfants à obéir, on les empêche de devenir des êtres responsables, empathiques, altruistes et dotés d’un sens moral.
Apprendre à faire les choses parce qu’elles sont justes, parce que cela rend la vie des autres plus belle, parce qu’elles facilitent la vie en groupe, c’est construire l’empathie.
Apprendre à faire les choses parce que l’autre l’exige, c’est apprendre la soumission et nier la notion de justesse.
Les enfants n’existent pas en dehors de la relation qu’ils établissent avec les autres : le besoin d’attachement est un besoin vital. Nous ne sommes pas des parents faibles quand nous écoutons nos enfants car il faut beaucoup de force, de sécurité intérieure et de patience pour accompagner sans rapport de force.
Isabelle Filliozat propose plusieurs pistes pour établir un cadre sécuritaire sans passer par des jeux de pouvoir :
- poser des questions et engager l’intelligence des enfants : “Regarde, il pleut dehors. Qu’est-ce que tu peux mettre comme chaussures ?”
- incarner un exemple à imiter car les enfants se construisent par imitation en nous observant
- énoncer les règles de manière positive et affirmative pour rendre clair ce qui est attendu : dire ce que l’enfant peut faire plutôt que ce qui est interdit (“tu as le droit de…”, “la règle, c’est …”)
- prévoir des temps calmes, des zones tampons comme des soupapes
- présenter les choses progressivement, en fonction de l’âge des enfants. Par exemple, la capacité à ranger s’acquière progressivement :
- d’abord faire à la place de l’enfant en accompagnent les gestes de paroles (“je mets le puzzle dans sa boîte”)
- puis faire avec (“on met ensemble, je fais ça, à ton tour maintenant”)
- détailler la demande (“mets les cubes dans le coffre puis les personnages dans la boîte rouge”)
- donner des missions (“tu es responsable de…”)
- jouer (faire la course, faire parler les peluches, ranger à la manière d’un robot…)
Les gros mots : étape normale ou insolence ?
Quand certains mots créent une réaction chez les adultes, les jeunes enfants sont interpellés et cette réaction agit comme un renforcement positif : comme les enfants vont chercher à comprendre les réactions des adultes et à les vérifier, ils vont répéter les gros mots. Plus la réaction sera forte, plus les enfants seront tentés de les répéter, d’autant plus que cela leur vaut de l’attention.
Isabelle Filliozat nous conseille d’accorder le moins d’importance possible aux gros mots mais de juste expliquer qu’il y a des mots qu’on peut dire et d’autres qu’on ne dit pas. On pourra même permettre aux enfants de dire des gros mots dans certains endroits ou à certains moments (par exemple, dire autant de gros mots que possible sur le chemin de l’école).
Certains enfants utilisent des mots qu’ils ont entendus sans en comprendre la signification : les explications sont à adapter en fonction de la capacité de compréhension des enfants.
Là encore, l’imitation joue un grand rôle : plus nous disons de gros mots, plus il sera difficile de les interdire aux enfants !
Pour aller plus loin : Réagir avec bienveillance quand les enfants disent des gros mots
Sécurité affective, repères et rituels : l’exemple du sommeil
Les enfants aiment avoir des repères et des rituels et de manière très forte jusqu’à 3 ans. Les enfants de 2 ans adorent que les choses soient figées.
On dit souvent que les rituels sont très importants avant le coucher. Mais parfois les rituels sont inefficaces. Isabelle Filliozat conseille donc de modifier un rituel qui n’est pas efficace et de chercher la cause du problème, plutôt que de s’y accrocher à tout prix en pensant que c’est l’enfant le problème.
Ainsi, quand un enfant connaît des problèmes au moment du coucher, on peut se poser plusieurs questions :
- quel est son rythme ?
- peut-être que l’heure du coucher ne correspond à pas ses cycles circadiens (voir cet article)
- l’enfant connaît-il des problèmes, des changements qui l’insécurisent en ce moment ?
- quel rituel serait plus efficace ?
- dessiner avant de dormir ?
- parler de la journée au moment du coucher ?
- méditer ?
Je vous propose dans cet article des pistes pour la mise en place d’un rituel du coucher efficace : 10 manières de bien terminer la journée en famille
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2 références littéraires évoquées :
J’ai tout essayé: Opposition, pleurs et crises de rage : traverser la période de 1 à 5 ans de Isabelle Filliozat (éditions Poche Marabout)
Arrête d’embêter ton frère, laisse ta soeur tranquille ! : faire face aux querelles incessantes de Elizabeth Crary (éditions Poche Marabout)