L’amour n’est pas une récompense.

L'amour ne suffit pas pour élever les enfants

L’amour ne doit pas devenir une récompense (pas plus que les marques d’amour).

Enfants, on nous a fait croire que l’amour est une récompense ! Et nous l’avons effectivement cru. Nous avons cru que l’amour, sous forme d’attention et de proximité physique et émotionnelle, est quelque chose qu’on reçoit seulement quand on est sage et que l’amour se mérite (en fonction des notes à l’école, en fonction de la conformité aux exigences, en fonction de notre capacité à dissimuler les émotions censurées dans l’environnement). C’est le résultat de lamour conditionnel et du système punition/ récompense.

Un enfant en crise a besoin d’amour, de liberté et de respect; l’enfant a besoin d’empathie; l’enfant a besoin d’adultes qui raisonnent en termes de besoins, d’attachement, de stades de développement et d’aménagement de l’environnement pour trouver les motivations de ses actes et y apporter des réponses; l’enfant a besoin d’adultes qui considèrent que l’éducation est synonyme d’accompagnement et d’enseignement de compétences plutôt que de contrôle et de répression; l’enfant a besoin d’adultes qui ne remettent jamais en question le fait que les droits humains sont aussi ceux des enfants.

Violence et amour sont incompatibles.

La violence ne va jamais aider, elle donne l’impression d’avoir le contrôle et de faire preuve d’autorité mais elle n’enseigne pas de compétences émotionnelles ou relationnelles. La violence dresse des murs entre les parents et les enfants plutôt des ponts pour se rejoindre.

Par ailleurs, si on pense que l’amour est une récompense, on va avoir tendance à classer les enfants, les comparer, les mettre en compétition, les sur-stimuler au risque de ne plus les aimer inconditionnellement et de ne plus apprécier leur simple présence, tels qu’ils sont. Et aussi à considérer qu’il faut souffrir pour apprendre, que les fessées et les punitions sont méritées (et qu’il y a des claques qui se perdent). Ce type de raisonnement finit par créer des sociétés où l’amour authentique est quasiment inexistant.

De plus, la violence ne fait qu’enseigner la violence dans un cercle vicieux qui s’auto-alimente de générations en générations.

Le pouvoir de l’amour est bien supérieur au pouvoir de la violence. Peut-être que notre principal problème est alors de (re)définir ce qu’est l’amour authentique (et au passage redéfinir ce qui est violent)

L’amour ne suffit pas pour élever les enfants.

L’amour tel que nous l’entendons dans le langage populaire ne suffit pas pour cheminer vers une éducation non violente. On peut être maltraitant par amour (faire du mal pour le bien de l’autre sans même voir le mal). Dire que l’amour suffit pour élever des enfants est faux car c’est faire l’impasse sur la mémoire traumatique et sur notre culture qui valorise la censure émotionnelle, la répression des besoins des enfants, la séparation précoce des parents et de enfants, qui confond performance et existence.

  • Aimer est-il compatible avec les menaces ? Avec les fessées ou le tirage d’oreille ? Avec les hurlements et les punitions ? Avec les moqueries ou les accusations ?
  • Peut-on aimer quelqu’un et en même temps lui refuser des marques d’amour (comme le fait de l’isoler et le mettre au coin plutôt que lui montrer de l’empathie) ?
  • Aimer peut-il jamais être compatible avec la violence, qu’elle soit physique, psychologique ou verbale ? Peut-on aimer et faire mal ? Peut-on être aimé et subir du mal de la part des personnes qui sont supposées nous aimer ?
  • Aimer peut-il se passer de temps ensemble, de contact physique et de sollicitude ?
  • Aimer peut-il se passer de manifestations d’amour ? Et d’ailleurs qu’est-ce qu’une manifestation d’amour ?
  • Aimer peut-il réellement n’être qu’un savant mélange entre manifestations matérielles d’amour (cadeaux, sorties) et « fermeté » (fermeté qui a l’air de ne pas pouvoir passer par autre chose que les violences éducatives ordinaires) ? Aimer, est-ce simplement faire plaisir (comme si le fait de faire plaisir aux enfants venait contrebalancer et effacer la violence infligée par ailleurs) ?
  • Aimer, est-ce seulement aimer les autres ? L’amour de soi compte-t-il ?
  • Aimer, est-ce ce sacrifier ?

L’amour authentique est source de pouvoir personnel non abusif et non violent

Claude Steiner, dans son livre L’ABC des émotions, nous invite à développer et utiliser le pouvoir personnel que l’amour peut donner (à partir du moment où on le redéfinit comme un carburant et non une récompense).

Cependant, Claude Steiner appelle à une juste mesure :

  • quelqu’un qui n’a pas suffisamment développé son pouvoir d’amour (sa capacité à aimer) se montre distant, manque de chaleur ou d’empathie pour les autres, est incapable d’encourager (lui-même et les autres);
  • quelqu’un dont le pouvoir d’amour est sur-développé se trouve en danger d’éparpillement : il se fera sauveteur de tous, poussé à des sacrifices excessifs pour les autres tout en se négligeant.

Le pouvoir de l’amour se manifeste dans trois domaines élémentaires : amour de soi, amour des autres, amour de la vérité.

1.Amour de soi : une personne bien assise

Celui ou celle qui s’aime authentiquement dans ses forces et ses faiblesses, dans sa vulnérabilité et ses erreurs, avec la conscience de toute la palette de ses émotions et qui utilise sa culpabilité comme terreau fertile est prêt.e à défendre son caractère unique.

Seul un amour passionné de soi donne la force de persévérer dans nos décisions quand tout le monde autour de nous nous retire sa confiance en ce que nous sommes ou ce que nous faisons. – Claude Steiner

2.Amour des autres : une empathie compassionnelle exigeante

La loyauté rend conscient de notre implication dans la vie des autres : l’amour de soi sans l’amour des autres se transforme en égoïsme mais, parallèlement, l’amour des autres sans amour de soi nous transforme en sauveteurs prêts à tout donner sans discernement.

L’amour de soi et des autres ne peut s’entretenir qu’en restant en phase avec l’authenticité de nos propres sentiments d’une part et ceux des autres d’une part. – Claude Steiner

3.Amour de la vérité : une honnêteté consciemment voulue et travaillée

La loyauté et l’amour de la vérité est d’autant plus importante dans nos sociétés modernes où l’information est abondante et facilement accessible mais également manipulable et manipulatrice. L’amour de soi et l’amour des autres sont dépendants de l’amour de la vérité. Cet amour de la vérité est un travail conscient et voulu.

L’amour de la vérité, c’est aussi chercher des informations fiables, sourcées, sans se contenter d’une seule source au risque d’être victime du biais d’autorité ou du biais de confirmation (c’est d’ailleurs valable pour mon blog qui n’a pas vocation à être une unique référence et c’est la raison pour laquelle je cite autant d’auteurs différents dans les articles que je peux écrire); c’est chercher à se débarrasser de ses conditionnements pour avoir une pensée la plus objective possible (tout en étant conscient des limites de la pensée humaine, notamment en lien avec les biais cognitifs).

Aimer la vérité, c’est accepter de remettre en question sa pensée et d’intégrer de nouvelles informations qui vont peut-être à l’encontre de ce qu’on pensait être fiable.

Aimer la vérité ne peut pas se passer de pensée complexe (au sens d’Edgar Morin) et de la prise en compte du contexte (voilà pourquoi je pense que dire que l’amour suffit pour élever des enfants est faux). Aimer la vérité, c’est reconnaître que notre mémoire traumatique et notre style d’attachement nous influencent plus que nous voulons bien le reconnaître.

L’amour de la vérité est l’attribut qui pousse la personne à rechercher l’information valide, c’est-à-dire l’information qui reflète les réalités du monde. – Claude Steiner

Pour aller plus loin : Notre cerveau nous trompe : comprendre les heuristiques et les biais cognitifs pour plus de flexibilité mentale (et moins de violence)

 

L’amour a le pouvoir de relier les êtres, de les faire travailler ensemble; l’amour insuffle de l’espoir et fait naître la certitude de pouvoir relever des défis personnels et communs. Alors, savons-nous aimer ?

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