Restons critiques ou prudents à propos de ce que nous lisons.

Attention aux solutions miracles, y compris en parentalité bienveillante 

Que ce soit en matière de parentalité ou de bien-être, Internet peut nous amener à courir derrière les conseils et informations. Si nous suivons à la lettre ce qui est recommandé, nous pensons que nos relations familiales seront apaisées, que nous serons un meilleur parent et que nous serons dans le camp du “bien”. Pourtant, dans son ouvrage Au secours, je vais bien, Anne-Laure Buffet écrit que les informations sont destinées au plus grand nombre, mais ne doivent pas s’imposer à nous ; il nous appartient de rester critiques ou prudents à propos de ce que nous lisons. Face aux articles et conseils proposés sur internet (y compris sur ce blog), conserver son discernement au sujet des témoignages ou conseils permet de ne pas les considérer comme des guides rigides ou des solutions miracles. Si les idées développées dans un blog ou un livre font augmenter le niveau de stress plutôt que celui de satisfaction, alors mieux vaut se défaire de ce qui ne convient pas et génère de la tension.

Alors que nous tentons de combattre la manipulation, nous voici dans le même temps soumis aux influenceurs, par le biais d’applications comme Instagram, qui décident pour nous de notre style vestimentaire ou de notre coiffure, de la décoration de notre maison ou de nos vacances, de nos choix musicaux ou de notre travail, et surtout, de comment communiquer, comment être en parfaite harmonie avec notre entourage et avec nous-mêmes. Adultes, nous demeurons de plus en plus adolescents, nous réclamant d’une identité propre, mais cherchant en permanence à « faire comme », à « ressembler à », à adopter des vies qui ne nous appartiennent pas. – Anne-Laure Buffet

Les parents : des êtres humains authentiques, avec des limites personnelles et des valeurs

Nous avons évidemment le droit de nous sentir contrariés, voire franchement énervés, par certains comportements de nos enfants. Nous avons le droit de perdre patience sans nous autoflageller à nous en rendre malades ou nous épuiser. Peut-être que nos exigences sont trop élevées : est-ce bien réaliste de ne jamais hausser la voix ? Les mots dépassent les pensées, ça arrive. Les enfants ont besoin de savoir que leurs parents ont des émotions, se mettent en colère, savent exprimer avec vigueur leurs limites. Un parent n’est pas un paillasson.

Lire aussi : Et les émotions des parents, on en parle ? (la colère, c’est OK)

L’amour parental n’est pas synonyme de sacrifice ou d’annihilation de soi. Être dans le contrôle permanent n’est pas tenable. L’affirmation personnelle permet d’affirmer nos besoins sans passer par le contrôle des enfants ni par l’oubli de soi en tant que parents. S’affirmer nécessite de se concentrer sur ses propres besoins et sur ses limites personnelles, plutôt que sur ce que les autres vont penser ou que d’avoir peur des réactions des enfants (refus, crise, pleurs). Être bienveillant, c’est exprimer nos émotions aux enfants de manière authentique, sans surjouer nos sentiments (pour faire peur aux enfants ou les culpabiliser) ni nous négliger nous-mêmes.

Pour aller plus loin : La parentalité respectueuse, est-ce ne jamais dire non ?

Il n’y a pas une seule bonne manière d’élever les enfants.

Des limites ou nos limites ? Pour un leadership parental

Il n’y a pas une seule bonne manière d’élever les enfants qui consisterait à dire ou faire les choses appropriées (comme donner des choix pour éviter les crises). Nous ne sommes pas des robots tous identiques, qui prononcent les mêmes phrases en “consignes positives” ou disent de manière monocorde “Oh, je vois que tu es en colère”.

Si nous ne faisons que répéter sans intégrer ou ressentir pleinement les conseils, nous ne sommes plus des parents authentiques. En outre, si nous passons notre temps à nous interroger avant la moindre parole ou à avoir peur de mal faire, nous nous épuisons. Nous nous oublierons au passage : nous oublierons notre personnalité, le contexte dans lequel nous vivons, nos limites, nos goûts et valeurs, les fluctuations de nos émotions et de notre niveau de fatigue ou de stress. Nous pouvons faire confiance à nos valeurs, à nos aspirations profondes et, en même temps, à notre intégrité et notre sens de la responsabilité individuelle.

Il nous faut cerner nos grands traits de caractère. Nous pouvons réaliser cet exercice à tout âge, et quel que soit l’avancement de nos projets. L’important est de ne pas se juger, et surtout le moins sévèrement possible. En effet, il n’est pas « mieux » d’être sociable plutôt que solitaire, il n’est pas plus avantageux de prendre (trop) facilement la parole que d’être réservé. Mieux se connaître demande de pouvoir se poser les bonnes questions : « Qui suis-je ? », « Qu’est-ce que je veux ? », « Quelle direction me correspond ? », « Quel chemin respecte ma singularité ? », « Quel apaisement suis-je en train de chercher ? » – Anne-Laure Buffet

En matière de parentalité (comme dans d’autres domaines), ce qui est bon pour les autres ne l’est pas toujours pour nous, et inversement. Jesper Juul, thérapeute familial danois, parle de “leadership”. Jesper Juul est convaincu que nous privons les enfants de leur responsabilité personnelle en faisant trop de choses pour eux. Selon lui, tous les enfants de 12-14 ans (hormis handicap) sont capables de gérer seuls leur hygiène, leurs vêtements et la lessive qui va avec, de gérer leurs achats, de se faire à manger, de gérer leurs devoirs et leurs apprentissages scolaires.

Assumer notre responsabilité personnelle

Jesper Juul nous invite à nous poser quelques questions clés pour cheminer vers cette pratique de la responsabilité personnelle :

• Qu’est-ce qui distingue une attention et des soins appropriés d’une attention et de soins étouffants ou négligents ?
• Qu’est-ce qui est de l’ordre de l’exercice nécessaire du pouvoir et quand est-il question d’abus de pouvoir ?
• Où se situe la limite entre ma responsabilité de parent et la responsabilité personnelle de l’enfant ?
• Où se situe celle entre ma propre responsabilité et ma tendance à trop prendre de responsabilité ?
• Quand est-ce que j’exerce des soins, un pouvoir et une responsabilité pour satisfaire aux besoins réels de l’enfant ? Quand le fais-je uniquement pour me sentir utile ou uniquement par égard pour l’image que j’ai de moi-même comme père ou mère ?

Toutefois, nous sommes les héritiers d’un bagage culturel et historique dont nous ne nous libérerons pas facilement du jour au lendemain. Pour Juul, le meilleur antidote se nomme responsabilité personnelle, c’est-à-dire la capacité et la volonté de porter un regard critique sur nos propres actes et de faire le tri par rapport à ce que nous sommes ou non capables d’assumer vraiment de nous-mêmes.

Certains parents regrettent de devoir répéter non aux enfants, sans jamais se sentir entendus ou respectés. Jesper Juul pense que l’explication vient souvent du fait que ces parents disent un non “conditionnel”. Leur ton signifie : “Je te dis non mais seulement si ça ne te rend pas trop triste ou que tu ne penses pas que je sois une mauvaise mère/ un mauvais père”. Ces parents disent donc deux choses en même temps et communiquent un message contradictoire. Ainis, pour Juul, la mission des parents modernes est d’apprendre à assumer la responsabilité de leur ressenti, de leurs pensées et valeurs pour que chaque membre de la famille (adultes et enfants) ait l’opportunité d’assumer sa responsabilité personnelle.

De nombreux parents sont devenus dépendants de l’acceptation et de la compréhension des enfants, si bien que ces derniers se sont retrouvés soudain avec la responsabilité du bien-être de la famille, au détriment de tous les partenaires. Le contraire de la dictature des adultes, c’est la dictature des enfants. L’alternative, c’est l’équidignité et la responsabilité personnelle. – Jesper Juul

Un champ des possibles plutôt qu’un carcan d’obligations 

L’injonction à la bienveillance peut faire naître un profond sentiment de culpabilité (« Je ne suis pas un bon parent »), ainsi qu’un sentiment d’incapacité (« Je ne suis pas capable de rendre mes enfants heureux alors que les autres y arrivent »). Il ne s’agit donc pas de prendre les informations au sujet de la parentalité bienveillante comme un carcan d’obligations qui, sous peine de ne pas être respecté, provoquera des dégâts chez l’enfant. Il s’agit plutôt de savoir qu’il existe d’autres possibles : le cododo PEUT être une solution pour les enfants qui ont du mal à s’endormir, cela PEUT être une solution à un moment donné et ne plus convenir à un autre moment pour une raison ou une autre. Un jour, on peut avoir les ressources pour faire de l’humour ou pour se mettre à l’écoute des émotions de l’enfant; et pas le lendemain.

Comment les enfants peuvent-ils apprendre à décoder les émotions des autres et les prendre en compte si les parents ont peur de leur propre colère et la réprime pour être gentils, pour ne pas traumatiser les enfants ? Comment les enfants peuvent-ils apprendre à vivre en collectivité si les adultes abandonnent leurs propres besoins et n’osent même plus dire quand c’en est trop pour eux ? Le sujet n’est pas de légitimer les maltraitances mais d’accepter ce qui nous convient individuellement, ne pas nous obliger ou nous imposer une pratique parentale parce que ça marche pour les autres ou que c’est écrit dans un livre ou un blog.

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Sources :
La vie en famille : renouveler les valeurs fondamentales du vivre-ensemble de Jesper Juul (éditions Fabert). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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Au secours, je vais bien de Anne-Laure Buffet (éditions Eyrolles). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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