Les conséquences des violences éducatives (y compris ordinaires)

Les formes que prennent les violences éducatives

Dans son livre Ta vie sauvée enfin, Alice Miller écrit que les mauvais traitements sur enfants provoquent des traumatismes. Elle inclut dans les mauvais traitements toutes les violences éducatives (y compris dites “ordinaires) :

  • le manque de respect envers les enfants (manque de respect pour leur corps, pour leurs sensations type faim/ sommeil/ froid, pour la propriété des enfants, pour les besoins des enfants qu’ils soient affectifs comme le besoin d’amour inconditionnel ou physiques comme le besoin de bouger…),
  • l’exploitation affective (ex: “si tu m’aimes, tu ferais ça pour moi”/ “si tu ne fais pas ça, je ne t’aimerai plus”),
  • l’ignorance des émotions (ex : “c’est pas grave”, “mais non ça ne fait pas mal”, “ne pleure pas”, “t’es pas beau quand tu pleures/ t’es pas belle quand tu te mets en colère”, “tu fais un caprice, va dans ta chambre”)
  • les coups (dont fessée, claque, tirage de cheveux ou d’oreilles…)
  • mépris/ moqueries/ humiliation
  • intimidation (sous forme de chantage ou de menace qui sont supposés faire assez peur aux enfants pour qu’ils plient leur volonté à celle des adultes).

Des conséquences à long terme

Dans l’enfance

Pour Alice Miller, un enfant traumatisé à la maison a de grandes chances de suivre ,dès le plus jeune âge, le modèle destructeur qu’il a appris à la maison. Cette destruction peut s’effectuer contre les autres ou contre lui-même (manque d’estime de soi, manque de confiance dans les autres et dans la vie, auto dénigrement…). Les enfants traumatisés montrent en général de l’insécurité et de la peur ou bien camouflent ces sentiments par de l’agressivité.

Alice Miller regrette que, en collectivité, certains éducateurs (personnel de crèche, assistantes maternelles, enseignants…) qui manquent d’empathie (du fait de leur propre mémoire traumatique) parleront de “mauvaises conduites” et y répondront par plus de répression (punitions, négation des émotions, honte, menaces…), qui aggraveront le problème d’agressivité de l’enfant en question.

A l’âge adulte

Quand un parent ou un professionnel de l’éducation a peur de ses propres souvenirs refoulés, il détourne le regard sur les comportements des enfants qui sont en fait des messages, et a tendance à donner des punitions, sous couvert d’éducation.

On reboucle ici avec le fameux “c’est pour ton bien” : on fait du mal aux enfants pour leur bien, en justifiant ces mauvais traitements par une définition biaisée de l’éducation autorisant les adultes à faire preuve de violence sur les enfants. Cette manière d’envisager l’éducation reste ancrée socialement parce que la plupart des adultes ont tellement peur de voir la vérité sur leurs propres parents (à savoir qu’ils ne les ont pas aimés de manière inconditionnelle et qu’ils leur ont fait du mal sous couvert d’amour) que ces adultes (même professionnels de l’éducation) refusent de voir à quel point les enfants sont maltraités dans nos sociétés (et à quel point la notion de maltraitance oublie tout le pan des violences éducatives dites ordinaires).

Comment un gosse pourrait-il comprendre qu’on le martyrise pour la seule raison que son père et/ou sa mère nient le calvaire de leur propre enfance, idéalisent leurs parents et, inconsciemment, reproduisent leur comportement envers leur enfant ! – Alice Miller

Prévenir et tenter de guérir les traumatismes des enfants liés aux violences éducatives (y compris ordinaires)

L’importance du témoin lucide

Alice Miller a créé le concept de “témoin lucide” pour témoigner de l’importance, pour les enfants victimes de violences éducatives (y compris ordinaires), d’une (ou plusieurs) personne qui aura le courage de leur montrer qu’ils servent de bouc émissaire à leurs propres parents.

Certes, les parents sont victimes de leur mémoire traumatique mais chercher à expliquer et à comprendre pourquoi les parents se conduisent ainsi, c’est déjà trahir l’enfant qui a besoin de reconnaissance de sa souffrance : ce n’est pas de l’amour que de donner une fessée; l’amour ne peut jamais être compatible avec la violence; oui c’est terrible d’être effrayé par les personnes qui sont supposées nous aimer le plus au monde; oui c’est incompréhensible de recevoir de l’humiliation de la part des personnes qui sont supposées être un refuge et une source de réconfort; c’est normal d’être en colère contre nos parents quand ceux-ci nous manquent de respect; non ce n’est pas normal d’être fessé ou de recevoir des paroles humiliantes.

Si ce soutien lui fait défaut, l’enfant se sent coupable et plus tard, une fois adulte, se vengera sur ses propres enfants – à son tour inconsciemment. – Alice Miller

Ce mécanisme explique pourquoi il est si difficile pour des parents, pourtant convaincus des bénéfices de la bien traitance, de se montrer bien traitants dans la pratique. L’empathie peut s’apprendre mais cet apprentissage prend du temps et peut passer par un chemin douloureux de travail sur les blessures passées.

Ce qu’on appelle l’amour… difficile de donner ce qu’on n’a pas reçu

Alice Miller écrit que tout enfant a besoin de respect, de protection, d’affection, de sincérité et de compréhension. On appelle communément “amour” l’ensemble de tout cela. Mais des parents qui n’en ont jamais reçu et auxquels on a fait prendre la cruauté pour de l’amour sont incapables de s’aimer eux-mêmes et d’aimer leurs enfants inconditionnellement, sauf si il leur a été donné (à un moment ou un autre, d’une manière ou d’une autre) de saisir que ce qu’ils ont connu n’était pas réellement de l’amour.

La découverte de sa propre vérité est la première étape d’un processus de prise de conscience et, par là-même, permet l’éveil de l’empathie et de la capacité à aimer, à son propre égard et à celui de ses enfants. – Alice Miller

Éclairer les parents sur les causes des violences éducatives (y compris ordinaires)

Alice Miller insiste sur la nécessité de mieux éclairer les jeunes parents sur les causes des violences éducatives (y compris ordinaires). Par exemple, face à des parents qui se sentent dépassés par leurs propres poussées de violence (envie de frapper ou d’humilier les enfants par exemple), il est possible d’expliquer qu’ils ne sont pas en colère contre leur enfant mais contre leurs propres parents qui les ont humiliés ou tapés (fessée ou claque incluses). Non seulement les parents des parents ont plongé les enfants d’alors dans la détresse mais les premiers n’ont jamais reconnu la détresse des derniers (ni en s’excusant ni en permettant aux enfants d’alors de se mettre en colère contre eux).

Alice Miller estime qu’il n’est pas vrai que le stress, la pauvreté ou le manque de temps “fabriquent” des parents maltraitants. Ces éléments peuvent déclencher plus souvent la mémoire traumatique mais ce sont les tourments de leur propre enfance qui fabriquent des parents violents et, de plus, inconscients de ce qu’ils font.

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Source : Ta vie sauvée enfin de Alice Miller (éditions Champs Essais Flammarion) Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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