Colère et violence ne sont pas synonymes.
La colère est une émotion légitime et nous avons parfaitement le droit de l’éprouver. C’est important de connaître la différence entre l’émotion de colère et les paroles ou gestes violents pour savoir exprimer la colère sans violence.
La colère est une émotion légitime et utile.
La colère est à la racine de nombreux mouvements sociaux qui luttent contre les injustices et permet des avancées en matière de justice sociale. Sur le plan personnel, elle nous permet de protéger notre dignité et d’affirmer des limites personnelles.
Une personne en colère est concentrée sur l’idée que les autres la blessent, lui font du mal et bafouent des valeurs précieuses à ses yeux. L’intensité de la colère est influencée par
- l’interprétation de la signification des éléments par le prisme de nos valeurs,
- nos attentes à l’égard d’autrui (plus elles sont fortes, plus la colère est intense, et c’est le cas envers des personnes proches ou des personnes supposées nous soutenir ou en qui nous avions confiance),
- l’intention que nous prêtons aux autres : plus nous croyons que l’autre a fait exprès de nous blesser, plus nous sommes en colère.
Techniques efficaces pour tempérer la colère sans violence
Il existe des techniques efficaces pour tempérer une colère forte qui risque de générer des paroles ou des actes violents, comme :
- Tester les pensées qui sous-tendent l’interprétation faite de la situation en lien avec les points développés précédemment (quelles sont les valeurs bafouées et qui sont précieuses à mes yeux ? qu’est-ce que j’attendais de cette personne ? qu’est-ce que son comportement provoque en moi, en termes de pensées et d’images mentales ? qu’est-ce qui le motiver à agir ainsi ? qu’aurais-je aimé de différent ?);
- Anticiper les événements susceptibles de provoquer de la colère et s’y préparer en amont (élaborer un plan sur la schéma “Si…alors…“);
- Reconnaître les signes annonciateurs de la colère (sensations corporelles comme des tensions musculaires ou l’accélération du rythme cardiaque, pensées du type “Il exagère, il m’agace“, “Elle le fait exprès, elle sait pourtant que je déteste ça !“);
- Faire des pauses (s’éloigner physiquement, s’entendre sur un mot ou un geste qui signifie une sorte de suspension de séance…);
- Utiliser l’énergie de colère pour s’affirmer.
4 stratégies pour utiliser l’énergie de colère sans violence
1.Formuler des phrases en “Je” pour exprimer la colère sans violence
Quand nous nous exprimons sous le coup de la colère, nous avons tendance à nous focaliser sur ce que nous avons à reprocher aux autres. Cela se traduit par des phrases qui parlent de l’autre et sur l’autre, plutôt que des phrases qui parlent de nous-mêmes, de nos besoins, de nos aspirations et de ce qui nous est précieux. Ainsi, si nous prononçons des accusations du type “Tu ne m’écoutes jamais“, “On dirait que tu le fais exprès” ou “Tu fuis toujours la discussion“, l’interlocuteur va se mettre sur la défensive : il pourra contre-attaquer, fuir ou laisser couler sans jamais prendre de mesures correctives (“Cause toujours !“). Il y a un risque d’escalade de la violence (verbale et, peut-être, physique) ou de fermeture de toute communication.
Les phrases en “je” expriment des besoins et des souhaits personnels; ils parlent de soi-même sans porter d’accusation ou faire preuve de mépris. Les messages Je parlent des émotions ressenties profondément, des besoins spécifiques dans la situation et servent à formuler des demandes positives (ce qu’on veut plutôt que ce qu’on veut pas). Les messages Je peuvent commencer par la tournure “Je ressens/ je suis…” et ouvrir vers les besoins “j’aurais besoin de…”. Puis des stratégies pour nourrir ces besoins peuvent être amenées, sans pour autant être proposées comme des exigences mais plutôt comme des ouvertures vers des solutions gagnant/ gagnant qui vont nourrir les besoins des deux partenaires, dans un dialogue empreint de créativité et de souplesse relationnelle.
Par exemple, nous pouvons nous tenir à nous-même un discours interne du type : “J’ai besoin de silence, parce que j’arrive mieux à faire preuve de patience dans le calme et je peux être un meilleur parent.” A partir de là, nous pouvons nous adresser à nos proches à partir de ce discours clarifié dans un langage qui nous est personnel.
2.Reconnaître la part de vérité dans les accusations
Stephen Karpman, médecin psychiatre, a conçu la règle des 10% : il y a toujours au moins 10% de justesse dans ce que quelqu’un dit (même si nous le percevons pas toujours). En gardant en tête qu’il y a au moins 10% d’intention positive dans chaque interaction, on peut voir ce qui motive les mots d’une personne (par exemple, une personne qui se plaint peut le faire pour chercher à être comprise et changer la situation, même si sa manière de communiquer ses besoins est inappropriée ou adressée à la mauvaise personne). Cette règle s’applique à soi et aux autres. Reconnaître la part de vérité dans ce que l’autre affirme lui indique que nous avons perçu pourquoi il l’a dit.
Ainsi, nous pouvons commencer une phrase par “C‘est vrai que, parfois, je [reprendre les accusations]. Je comprends que tu sois déçu. En réalité, quand je fais ceci, ce n’est pas par égoïsme, c’est par respect pour mes besoins. J’ai entendu que ça te pose problème et je te propose de… ”
3.Expliciter les besoins et valeurs (sans attendre que l’autre les devine)
Nous sommes nombreux à espérer secrètement que les autres (mari, femme, enfants, collègues…) fassent ce que nous attendons sans pourtant leur faire part de ce que nous attendons précisément. Utiliser l’énergie de colère sans tomber dans la violence, c’est être capable d’exprimer clairement des attentes, sans attendre que l’autre sache décoder les implicites ou fasse preuve de télépathie. Croire que nos proches devraient savoir ce que nous voulons sans que nous ayons besoin de le dire engendre de la frustration, faisant le lit de la colère.
Expliciter les changements désirés, c’est dire ce que nous voulons (plutôt que ce que nous ne voulons pas), à quelle échéance idéalement et en quoi ces actions prendraient soin de la relation. Nous pouvons laisser une ouverture, afin que ces demandes n’activent pas un instinct de contre-volonté, dans le sens où les personnes qui se sentent obligées de faire quelque chose ont tendance à y résister pour protéger leur autonomie et leur dignité. Nous pourrions dire quelque chose comme : “Si un problème t’en empêche, merci de me le faire savoir et on trouvera une solution ensemble.”
Quelques questions peuvent guider vers une affirmation personnelle efficace :
- Quels sont mes manques ?
- Si ces manques sont comblés, qu’est-ce que cela me permet de vivre ?
- Quelles sont les aspirations et les désirs insatisfaits qui seront atteints, une fois ces manques comblés ?
- Quand les demandes seront réalisées, qu’est-ce qui aura changé dans le déroulement concret des journées ?
- Comment traduire mes buts en objectifs précis, concrets, réalistes, datés à court et moyen terme ?
4.S’affirmer ne signifie ni écraser ni obtenir tout ce qui est désiré
Il ne suffit pas de s’affirmer pour obtenir tout ce que l’on veut, surtout pas au détriment de l’autre. Les relations sont intègres quand elles sont empreintes de dignité et de considération tant pour soi que pour l’autre. L’objectif est de générer des relations plus satisfaisantes, moins épuisantes, pas de se doter de stratégies pour faire plier autrui par la manipulation, ni pour se faire plaindre.
Toutefois, si une personne est maltraitante au long cours et ne change pas de comportement ou ne s’excuse pas quand nous affirmons notre colère et nos besoins, il nous reste à admettre que cette personne est réellement maltraitante, à n’avoir aucun doute sur le fait que nous ne sommes pas coupables de cet état de fait et à trouver des moyens pour nous protéger (et protéger les autres).
Par ailleurs, avoir des standards trop élevés peut engendrer de la culpabilité, qui elle-même peut entraîner de la colère du fait de la frustration de ne pas atteindre ces standards. C’est parfois le cas en matière de parentalité, quand nous estimons ne devoir jamais crier ou ne jamais faire les gros yeux par exemple. Nous pouvons évaluer la gravité de nos actes pour nous rendre compte que nous avons certaines exigences tellement élevées envers nous-mêmes que la colère va parfois émerger de manière disproportionnée. Ce qui fait que, paradoxalement, moins nous voulons crier, plus nous allons crier.