Quand les enfants se montrent irrespectueux…
Le manque de respect est inapproprié en toute circonstance et l’éducation bienveillante n’est absolument pas du laxisme sur ce sujet.
En tant que parents, il est de notre responsabilité d’enseigner aux enfants les compétences et attitudes pour exprimer leurs émotions fortes et leurs désaccords sans se montrer irrespectueux.
Pour autant, il est illusoire d’enseigner quoi que ce soit aux enfants “à chaud”. Quand un enfant est en proie à la colère, au stress ou à la frustration, la partie “rationnelle” de son cerveau est déconnectée. Il est donc complètement inutile et inefficace de lui faire la morale. On ne peut pas rediriger efficacement le comportement d’un enfant avant de s’être connecté émotionnellement avec lui (ou alors peut-être sous le coup de la menace… mais ce que l’enfant retient est la menace, la peur et non pas l’enseignement en soi). C’est ce qu’explique très bien cette vidéo au sujet du cerveau des enfants.
Par ailleurs, enseigner le respect aux enfants ne peut pas passer par le fait de leur manquer de respect (en les menaçant, punissant, humiliant, tapant, en leur faisant du chantage).
Ce qui se passe dans notre propre cerveau est pourtant proche de ce qui se passe dans le cerveau des enfants : quand ils nous manquent de respect (“je te déteste”, “t’es la pire des mères”, “je ferai jamais ce que tu m’as dit”…), notre cerveau rationnel disjoncte lui aussi et nous sommes en proie directement avec nos émotions. Nous avons donc beaucoup de mal à réagir avec calme et discernement.
L’éducation bienveillante propose une alternative pour traiter ce type de situation afin d’assurer respect pour les uns et les autres (adultes et enfants) tout en montrant les comportements appropriés et en “musclant” le cerveau émotionnel des enfants.
D’abord, se brancher sur la vision de l’enfant (voir au delà de ce qui est donné à voir ou à entendre)
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Rester calme
Cela peut paraître insurmontable de rester calme quand les enfants nous répondent ou, pire, nous insultent.
Il existe une multitude de manières d’apprendre à garder son calme face à un manque de respect :
Prévenir les enfants : « Je n’en peux plus, je préfère m’isoler dans ma chambre ». Là, on pourra pleurer, crier dans un coussin, gesticuler dans tous les sens, piétiner un coussin, déchirer des feuilles de magazines puis les rouler en boule et les jeter avec force.
Prendre 10 bonnes inspirations et imaginer qu’on est un grosse bulle de savon qui se gonfle au fur et à mesure. Se focaliser sur l’air qui entre et sort de la bulle.
Bouger, sauter, agiter chaque partie du corps.
Boire un grand verre d’eau.
Compter jusqu’à 20 (ou plus si besoin).
Se faire relayer quand c’est possible. Quand une personne est présente (conjoint.e ou autre adulte), passer le relais et lâcher prise. On pourra en profiter pour aller faire un tour (en voiture, à pieds, à vélo). On pourra crier, hurler une fois loin et isolé.e.
Se toucher les lèvres (en les caressant ou en les tapotant avec l’index et le majeur).
Faire preuve de pleine conscience et porter toute notre attention sur les sensations internes et nommer l’émotion ressentie (à voix haute ou en dialogue interne) : « Je sens mon coeur battre de plus en plus fort, ma mâchoire se crispe, ma respiration accélère, mes mains se contractent… Je sens la colère monter en moi, c’est la colère qui arrive en moi. ». On pourra partager ces réflexions avec les enfants : mettre des mots sur les émotions permet d’en atténuer l’intensité.
Stimuler les sens : toucher une matière douce (écharpe, oreiller doux, couverture, le chat, le chien, une peluche…), sentir une odeur agréable (un tee shirt ou du conjoint ou de l’enfant avec son odeur de bébé, une odeur d’aliment…), imaginer une scène plaisante en visualisation positive (un endroit où se réfugier, une photo de l’enfant tout bébé, un moment particulièrement agréable…).
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Décoder le comportement
Décoder le comportement de l’enfant nécessite de raisonner en termes de besoins, d’attachement, de stress et de niveau de développement. Cela signifie de ne pas voir les comportements difficiles comme des “caprices” (mot désignant les comportements des enfants que les adultes n’arrivent pas à comprendre) ou des affronts mais comme des signaux, des symptômes qui éclairent sur un besoin non satisfait.
Cela peut poser par le fait de se poser des questions :
- quel est le besoin de l’enfant ?
- son réservoir affectif est-il plein ?
- est-ce que ce qui lui est demandé est trop difficile pour son âge ?
- est-ce qu’il décharge du stress après une journée difficile ?
- quelle heure est-il (l’enfant a peut-être faim/ soif) ? est-ce que mon enfant a mangé trop d’excitants (sucres, additatifs…) ?
- est-ce qu’il est sur-stimulé/ excité (l’environnement peut être source de sur stimulation auditive, visuelle…) ?
Les comportements inappropriés des enfants sont souvent une manière de nous adresser un message sans qu’ils soient capables de les mettre en mots de manière compréhensible pour nous.
Ainsi, quand un enfant se plaint de devoir partir du parc ou réclame toujours “plus” (plus de glace, plus de temps au cinéma…), c’est pour exprimer le fait qu’il a passé un bon moment et qu’il voudrait que cela ne s’arrête pas.
Quand les enfants ne sont pas contents après un moment agréable… alors qu’ils devraient au contraire être reconnaissants et heureux (c’est à ce moment-là que les parents sont tentés de dire : « ils sont jamais contents », « on leur donne la main, ils prennent le bras »).
Et si c’était nous qui réagissons souvent de manière inappropriée quand nos enfants ne semblent pas apprécier tous nos efforts à leur égard ?
Nous sommes guidés par notre besoin de reconnaissance pour avoir emmené les enfants dans un parc d’attraction, à la fête foraine ou encore à un spectacle et pour avoir dégagé du temps exclusif pour eux. Or il arrive rarement que les enfants expriment leur gratitude et ils ont même plus souvent une attitude opposée : pleurer, en demander plus, rechigner à partir, râler…
Notre déception et notre colère qui découlent à la fois de besoins insatisfaits et d’une incompréhension peut nous pousser à dire des paroles dévalorisantes : « Voilà tout ce que je fais pour eux, pour leur faire plaisir et qu’est-ce qui se passe ? Il râle ! Pourquoi ne sont-ils jamais contents ? » Pour quoi ne peuvent-ils pas simplement être contents et dire merci que d’en demander toujours plus ? ».
A la lumière d’une écoute empathique et bienveillante, nous pouvons accéder à plus de compréhension des réactions émotionnelles des enfants. Petra Krantz Lindgren propose de comparer les réactions des enfants avec celles des adultes quand eux-mêmes passent des bons moments. A la fin des vacances, on n’a généralement peu envie de rentrer, on voudrait souvent encore un mois de vacances ! Est-ce que cela veut dire que nous ne sommes pas contents de nos vacances ? Au contraire : nous les avons tellement appréciées que nous voudrions faire durer ce moment plus longtemps… et cela quelqu’a été la durée des vacances.
Les enfants réagissent comme nous sauf que leur cerveau n’est pas assez mature d’un point de vue émotionnel pour mettre des mots logiques et cohérents sur les émotions (comme « je suis en même temps content et déçu », « je suis triste que cela se finisse et heureuses que cela ait eu lieu »). C’est notre rôle d’adultes de « muscler » le cerveau émotionnel des enfants en leur montrant des exemples de gestion émotionnelle et en leur fournissant des mots de vocabulaire relatifs à leurs émotions.
Un enfant qui pleure et refuse de rentrer dit entre les lignes : « C’était tellement génial que je voudrais que cela ne s’arrête jamais ! »
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Faire preuve d’empathie et de compassion
L’écoute active permet de refléter les émotions de l’enfant pour qu’il accède au sens de ce qu’il essaye d’exprimer sans pouvoir le dire de manière appropriée.
Dans l’écoute active, le parent essaie de comprendre ce que ressent l’enfant, de saisir ce que son message veut dire. Ensuite, le parent transforme sa compréhension dans ses propres mots et retourne le message à l’enfant pour vérification.
Le plus important pour le parent est de transmettre son propre message « décodé » sans évaluation, sans opinion, sans conseil ni raisonnement ou encore analyse. Il retourne seulement ce qu’il pense être le sens véritable du message de l’enfant : rien de plus, rien de moins :-).
L’objectif de l’écoute active est d’aider l’enfant à en dire plus, à approfondir, à mieux développer sa pensée.
L’écoute active nécessite un ensemble d’attitudes pour qu’elle soit efficace. On doit vouloir :
- prendre le temps d’écouter ce que l’enfant veut dire
- aider l’enfant à résoudre son problème sans conseiller ni raisonner ou encore imposer sa propre solution
- accepter les sentiments de l’enfant sans imposer ce qu’il « devrait » ressentir
- faire confiance aux capacités de l’enfant à réfléchir et trouver ses propres solutions
- comprendre que les émotions évoluent (il n’y a pas lieu de s’effrayer des émotions qui sont exprimés car elles ne sont pas permanentes… elles passeront d’autant plus facilement qu’elles seront entendues, accueillies et comprises)
- voir son enfant comme une personne différente de soi : on se met dans la peau de l’enfant pour comprendre son ressenti, sa vision des choses, sa perception de la réalité pour la lui refléter en miroir.
- accepter de changer nos opinions et nos attitudes : adopter le point de vue de l’enfant peut nous amener à redéfinir notre propre manière de voir les choses.
L’écoute active peut passer par des expressions du type :
Tu sembles (fâché contre)…
Tu es tellement (en colère) que tu as envie de…
Tu n’aimerais pas…
Tu aimerais mieux…
Tu crois que…/ Tu as cru que…
Tu as l’impression que…
Tu te sens…
Quelque chose (te fait peur/ te met en colère/ te rend triste), c’est ça ?
C’est vraiment…. qui (te fait peur/ te met en colère/ te rend triste) ?
Tu en as assez de…
Tu aimes vraiment… ? / …, ça te plait beaucoup, on dirait.
Tu as peur de…
Tu es déçu de…
Tu veux dire que…
…., c’est ça qui t’embête ?
Tu n’as pas assez de temps pour…
Ça doit être (douloureux/ gênant) de…
Tu as ressenti (de la honte/ de la peine/ de la peur/ de la colère) ?
Tu te demandes pour quelle raison….
Il te semble (difficile/ risqué) de…
Faire comme ça/ comme ci ne te donne pas ce que tu voudrais
L’écoute active, c’est mettre des mots sur les ressentis des enfants :
Respecter les émotions des enfants sans entrer dans un jeu de pouvoir : « Je vois que tu es en colère »
Reformuler sans juger, sans commenter ni intervenir : « Oh, tu es triste« , « Tu n’en as pas envie du tout »
Accueillir l’émotion en respectant les nuances vécues par l’enfant : « Tu as eu peur ! »
Ecouter avant de consoler : « Je vois que tu as mal »
Ecouter de l’intérieur ce que l’enfant est en train de vivre : « Tu hésites. Qu’est-ce que tu sens ? »
Valider le vécu : « Tu as le droit de ne pas avoir envie, c’est vrai, tu préférerais continuer à jouer, je peux comprendre ça. »
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Ralentir le rythme
La colère qui dégénère en violence est comme un train. Plutôt que de monter à bord avec les enfants en nous mettant à crier ou menacer nous aussi, nous pouvons utiliser notre statut d’adulte (et notre cerveau plus développé que celui des enfants) pour calmer le jeu plutôt que jeter de l’huile sur le feu.
On pourrait dire quelque chose comme :
“Wow, tu es enragé.e. Cela fait beaucoup d’informations pour moi. J’aimerais t’écouter et tu parles trop vite pour moi. Je n’arrive pas à te comprendre et je déteste me faire crier dessus. Ça me donne envie de partir et même de crier aussi. Est-ce que tu te sens capable de parler plus lentement et doucement ? Ce serait beaucoup plus agréable pour moi et pour toi aussi je pense.”
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Se connecter physiquement
Quand les enfants sont submergés par leurs émotions, ce dont ils ont le plus besoin est de connexion et d’amour (et pourtant c’est ce qu’on a le moins envie de leur donner dans ces cas-là). Isabelle Filliozat dit à juste titre que l’amour n’est pas une récompense, mais un carburant.
Non seulement c’est quand les enfants se montrent les moins aimables qu’ils ont le plus besoin de connexion, mais en plus ils se comportent bien quand ils se sentent bien.
Parfois, le fait de pratiquer l’écoute active n’est pas efficace pour se connecter avec l’enfant car il n’est sous le coup d’une émotion primaire seule (colère, tristesse, peur, dégoût) mais du stress (une accumulation d’émotions qui n’ont pas pu être exprimées et qui resurgissent sous forme de réactions émotionnelles parasites et incontrôlables). Dans ce cas, la connexion physique/ non verbale est la plus efficace :
- un câlin,
- un sourire,
- une présence compatissante silencieuse,
- un massage…
Place à l’échange : enseigner le comportement approprié
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Revenir sur ce qui s’est passé
Une fois que tout le monde a (re)trouvé son calme, il est alors possible de revenir sur ce qui s’est passé et d’aborder des manières de réagir plus appropriées.
Différer l’enseignement de compétences ne signifie pas faire preuve de laxisme : la question est belle et bien traitée mais, dans une optique de respect mutuel et d’efficacité, elle l’est seulement à partir du moment où parents et enfants sont réceptifs et connectés à leurs capacités de penser rationnellement.
On peut revenir sur l’incident un peu plus tard, par exemple sous la forme d’un partage sur nos propres émotions et besoins tout en engageant l’intelligence des enfants à travers des questions : “J’ai l’impression que tu étais vraiment en colère au moment de quitter le parc tout à l’heure. Je me suis senti moi aussi en colère. Je voudrais qu’on réfléchisse à une manière différente d’exprimer tes émotions quand tu es fâché. Comment aurais-tu pu réagir/ qu’est-ce que tu aurais pu dire ?”.
On pourra résumer le comportement de l’enfant en un mot : “Cela s’appelle du manque de respect/ C’est un comportement irrespectueux.”
On peut également interroger sur les émotions et les attentes des personnes impliquées :
à ton avis, comment je me suis senti.e quand tu m’as dit ça ?
qu’est-ce qui pourrait réparer la relation ?
je pense que ton frère/ ton amie aimerait recevoir des excuses sincères ?
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Exprimer nos émotions
Exprimer nos propres émotions et notre vulnérabilité permet de faire comprendre à l’enfant que son comportement affecte les autres. En effet, nous sommes souvent piégés dans une vision binaire : « Je ne peux pas laisser faire sans réagir, donc je dois l’interdire ».
C’est en constatant que des besoins apparemment contradictoires cohabitent en nous que nous nous libérerons de ce piège :
- besoin de respecter nos enfants et celui de les protéger,
- besoin de laisser de la liberté et d’assurer la sécurité.
Une fois que nous prenons conscience que ces besoins peuvent cohabiter sans s’opposer, nous pouvons nous situer avec clarté et avec responsabilité individuelle, sans pour autant fermer la relation ou étouffer les enfants.
On peut également demander son avis à l’enfant, notamment quand le manque de respect ne nous est pas adressé directement : “Je t’ai entendu dire que Marie est stupide. Je voudrais en parler avec toi, est-ce que tu es d’accord ?”.
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Faire preuve d’empathie
On pourrait là également compatir, voire faire appel à l’imagination pour monter à l’enfant que toutes les émotions sont acceptables, mais que tous les comportements ne le sont pas : “Je crois que tu détestes vraiment ta prof. J’ai l’impression que tu aimerais lui arracher la tête si tu pouvais.”
On peut également les interroger sur leurs propres besoins :
Tu t’es sentie humiliée ? Tu trouves que cette prof ne te manifeste pas de respect. Qu’est-ce que tu aimerais qu’elle fasse à la place ?
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Présenter des excuses… et montrer l’exemple
Si nous avons nous-mêmes perdu notre sang froid, il est toujours possible de s’excuser à cette occasion. C’est par là que l’enseignement des comportements appropriés commence.
Pour aller plus loin : Les enfants insolents : que nous disent-ils ? Et si nous redéfinissions l’insolence ?