Le risque d’épuisement parental est réel et les jeunes parents sont de bons candidats au burnout.
Dans les publicités et les articles grand public, la parentalité est généralement associée à la joie et il existe des non dits qui entourent la période du post-partum (certaines femmes enceintes ne savent pas qu’elles saigneront pendant des semaines (et de façon parfois très abondante) et que les contractions de l’utérus perdureront après l’accouchement). Les jeunes parents sont finalement assez peu préparés aux difficultés liées au fait même d’être parents. La réalité qui impacte la santé mentale et physique, c’est le manque chronique de sommeil, les pleurs du bébé, les problèmes d’alimentation des bébés et jeunes enfants, les demandes et sollicitations multiples et simultanées dans une fratrie, les désaccords sur la manière d’élever les enfants dans le couple ou encore les maladies et accidents domestiques qui mènent les parents régulièrement chez le médecin ou aux urgences pédiatriques. Sans compter les critiques de l’entourage et les conseils pour être LE parent parfait, toujours zen, le parent qui sait donner le meilleur à son enfant (ne dit-on pourtant pas que le mieux est l’ennemi du bien ?).
Violaine Guéritault, pionnière dans la description de l’épuisement maternel, décrit le burnout comme un phénomène résultant d’un processus multidimensionnel défini par trois composantes principales qui se présentent sous la forme de stades successifs :
- épuisement émotionnel et physique (irritation, impatience, cris contre les enfants, pleurs des parents)
- dépersonnalisation ou distanciation
- reniement des accomplissements passés, présents et futurs; baisse de la productivité
Dans le burnout parental, la souffrance est grande et le parent épuisé n’a plus la force de s’occuper des enfants, il n’a plus envie de s’occuper d’eux et ne ressent plus de plaisir à passer du temps avec eux. La distanciation vis à vis des enfants se manifeste par le fait que le parent ne ressent plus l’alarme qui fait qu’un parent s’inquiète pour son enfant (exemple : l’enfant tombe et pleure mais le parent ne réagit pas).
Le burnout parental touche principalement les femmes car ce sont elles qui assument encore la plupart des tâches domestiques et parentales. L’épuisement parental commence donc par un épuisement physique, émotionnel et psychologique et il ne touche que le domaine familial (pas tous les pans de la vie comme c’est le cas dans la dépression).
Pour aller plus loin : Dompter le problème de la charge mentale des mères
C’est le cumul de plusieurs facteurs de stress qui va faire pencher la balance du côté de l’épuisement, d’autant plus quand ils ne sont pas rééquilibrés par des ressources qui font du bien. Il y a des facteurs de stress lié intrinsèquement à la parentalité (bruit fait par les enfants, charge mentale, manque de nuits réparatrices…) et d’autres à la vie personnelle (exemple : parents âgés malades dont il faut s’occuper) ou à la vie professionnelle.
Facteurs de l’épuisement parental
L’épuisement parental est insidieux, dans le sens où c’est l’accumulation de plusieurs stress modérés mais chroniques qui finit par faire pencher la balance du côté de l’épuisement. Ces “petits”stress exigent beaucoup d’adaptabilité et d’énergie tant physique que mentale, d’autant plus qu’on ne sait pas quand ils vont s’arrêter (ex : bébé qui ne dort pas). Le burn out est très proche quand une mère pense quotidiennement ou presque : “Je n’en peux plus, je suis à bout, je rêve de tout plaquer…”
Violaine Guéritault rappelle que les facteurs de stress présents dans la vie familiale et domestique remplissent les conditions nécessaires pour devenir potentiellement nocifs, du fait de leur rythme soutenu et de leur durée (des années). Avoir en tête quelques facteurs courants de l’épuisement parental liés à la parentalité même permet d’en reconnaître ses étapes, ses symptômes et ses conséquences :
- Sollicitation permanente de la part des enfants (plus les enfants sont petits, plus les sollicitions sont intenses)
- Obligation d’assumer tous les rôles (infirmière, psychologue, taxi, soutien scolaire…)
- Absence de contrôle (ex : impuissance face aux coliques ou au mal de dents chez les bébés)
- Imprévisibilité et difficulté à faire des projets car les enfants chamboulent toute l’organisation (ex : devoir changer une couche au moment de sortir de la maison)
- Privation de liberté et regret de la vie d’avant
- Absence de reconnaissance de la part du conjoint, de l’entourage ou des enfants car les tâches maternelles sont considérées comme normales
- Absence de soutien et tabou autour des difficultés maternelles (pour aller plus loin : Briser les tabous au sujet des difficultés et souffrances liées à la condition de mère)
- Sentiment d’incompétence et culpabilité d’être un mauvais parent (surtout en comparaison avec d’autres parents)
- Idéal de perfection, auto-pression pour être un parent parfait
- Jugement (de la part de la famille, des enseignants ou d’autres parents)
- Suppression ou diminution des temps ressourçants (sport, arts, balade, lecture, loisirs, sorties…)
D’autres facteurs de stress s’ajoutent aux difficultés liées à la condition de parent comme :
- la fatigue,
- une maladie chronique ou un handicap du parent,
- le stress au travail (mésentente avec les collègues ou le chef, peur des licenciements, manque de sens ou de reconnaissance…),
- des conflits conjugaux,
- la pression du temps,
- des problèmes financiers,
- l’environnement de vie (manque de contact avec la nature, logement exigu/ bruyant/ mal isolé…).
Actuellement, l’ambiance anxiogène actuelle (crise sanitaire, guerre en Ukraine, inflation qui pèse sur le budget familial…) renforce le stress déjà présent. Il est donc important de savoir sentir le stress monter (reconnaître les sensations physiques du stress, accepter de se sentir submergée parfois, accueillir les difficultés sans les nier ou les relativiser). Connaître l’existence du phénomène de l’épuisement parental évite de se sentir isolés dans des émotions difficiles, permet de mieux comprendre les frustrations et de savoir que d’autres parents vivent les mêmes dilemmes.
Lorsqu’on a trouvé l’origine du stresseur, on peut trouver des solutions efficaces pour affronter la situation sans la fuir ou trouver des moyens de l’éviter. C’est en faisant cela qu’on pourra diminuer la production d’hormones de stress à long terme dans l’organisme, plutôt qu’en cherchant à ne plus penser à rien ou à se relaxer à tout prix quitte à se mettre la pression pour se détendre.
Trouver un équilibre entre stresseurs et ressources
Il est donc important d’identifier les facteurs de stress du parent, de voir lesquels sont supprimables, lesquels sont diminuables, de trouver des stratégies personnelles pour les supprimer et/ou les diminuer, d’ajouter des ressources qui “rechargent” et contrebalancent les effets du stress. Ce travail doit être fait sur mesure car les facteurs de stress et leur importance varient en fonction des valeurs, des besoins et des aspirations de chacun.
- Quels sont les essentiels sur lesquels JE ne peux pas/ ne veux pas transiger ?
- Sur quoi M’est-il possible de lâcher prise ?
- Quelles sont les choses que J’estime délégables ?
- Comment passer à l’action ?
- Quelles sont les ressources que je peux actionner pour ME recharger et prendre soin de moi ?
Cela peut passer par le fait de remettre en perspective des choix initiaux : la motricité libre paraît trop énergivore et oblige à être tout le temps en alerte ? Peut-être est-ce possible de lâcher sur certains principes pour réintroduire des temps plus reposants. De même pour l’alimentation : est-ce que tous les repas ont besoin d’être faits maison ou certains peuvent-ils reposer sur des plats déjà prêts ou des aliments en partie préparés ?
Une idée utile est d’imaginer une balance entre stresseurs et ressources : quand les facteurs de stress ne sont pas contrebalancés par des activités “nourrissantes”, alors la balance penche du côté des stresseurs et le stress parental intense devient burnout.
Le burn out parental commence là où le stress s’arrête
Le plus grand pas est la prise de conscience : notre vase n’est pas infini et, à force de se remplir, il finit par déborder. La prise de conscience du mécanisme du burnout ouvre l‘acceptation d’une aide sous une forme ou un autre. Le soin communautaire est indispensable :
- le conjoint doit assumer son rôle de soutien et de protection (les pères n’aident pas les mères, ils sont autant parents qu’elles),
- le groupe a un devoir d’aide (famille, amis, voisins), sans que cette aide soit intrusive ou culpabilisante avec des conseils non sollicités ou des critiques : Critiques et conseils : comment s’en préserver quand on est jeune parent ?,
- échanger et partager avec d’autres parents (virtuellement sur des groupes privés ou en réel lors de sessions d’entraide comme proposés par la PMI ou bien par l’association Maman Blues dans toute la France).
L’incitation à “prendre soin de soi” ne doit pas se substituer à la nécessité de ce soin communautaire qui a une dimension résolument politique. D’ailleurs, dans son essai Délivrées !, Titiou Lecoq se demande pourquoi le fait de se masturber n’est jamais proposé dans les idées pour prendre soin de soi en tant que mère… comme si “prendre soin de soi” ne devait être que productif (se faire belle, faire du sport, produire de l’art, réussir à ne penser à rien avec la pleine conscience…) au risque d’ajouter de la pression à la pression. De même, prendre soin de soi uniquement va effectivement permettre de continuer mais dans un environnement inadapté (puisqu’impensé dans sa structure et ses relations) avec le risque d’exploser plus fort, plus tard.
Rencontrer des difficultés maternelles n’est pas synonyme d’être une mauvaise mère.
Le burn out n’est pas le fait de l’incapacité d’un individu à faire face aux contraintes qui l’entourent. Il est dû à une dynamique complexe, émergeant de l’interaction entre cet individu et l’environnement dans lequel il se trouve et qui le modèle en partie. Mieux connaître les facteurs de stress dans votre vie, c’est mieux les comprendre et mieux vous comprendre vous-même. Etre une maman stressée n’a rien d’inadmissible, de honteux ou d’inavouable.
Il est temps que notre culture autant que les mères elles-mêmes cessent de minimiser les difficultés associées aux responsabilités maternelles. Etre une mère est un travail à part entière et en ignorer les risques et les dangers peut s’avérer un bien mauvais calcul à long terme. – Violaine Guéritault
Donner des idées et des conseils pour réduire le stress n’est pas toujours suffisant. Un burn out maternel traité trop tard ou qui se heurte à des contraintes matérielles trop fortes peut se transformer en dépression. Quand le burn out est déjà bien installé et que la dépression est proche, il est possible que l’énergie disponible pour appliquer les conseils mentionnés ci-dessus soit inexistante.
Dans le cas où le lever matinal est presque insurmontable, où le moindre acte du quotidien semble pomper le peu d’énergie restant, où la gestion du quotidien devient presque indifférente, il est utile de s’adresser vers un professionnel de santé.
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Source : La fatigue émotionnelle et physique des mères : Le burn-out maternel de Violaine Guéritault (éditions Odile Jacob). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.
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