Les “mauvais” comportements des enfants : un signal, pas un affront ou une mauvaise éducation

L’expression “mauvais comportement” n’est pas aidante

L’expression “mauvais comportement” n’est pas aidante parce qu’elle porte en elle l’idée que les enfants se comportent mal exprès et qu’il faut les corriger (en remarquant au passage qu’en français, “corriger” peut être synonyme de “donner une fessée/ frapper dans un but éducatif”).

Les enfants ne sont pas leurs comportements (que ces comportements soient “bons” ou “mauvais”). Les enfants peuvent se comporter de manière désagréable, inappropriée (taper, mordre, insulter, casser, crier, exiger…). Ces comportements sont effectivement inacceptables en soi (qu’ils viennent d’enfants ou d’adultes d’ailleurs) mais les émotions et les besoins qui en sont à l’origine sont eux bien légitimes et acceptables. Tout le défi réside dans le fait de voir au delà de ce qui est donné à voir : se connecter aux besoins des enfants avant de rediriger le comportement. 

Le fait de se connecter avec empathie aux émotions et besoins cachés présente plusieurs avantages :

  • montrer l’exemple qu’on attend des enfants : si je réagis sans violence aux comportements de mon enfant qui me dérangent, mon enfant apprend à réagir sans violence aux comportements qui le dérangent;
  • cultiver des compétences émotionnelles chez les enfants (quand on sait mettre des mots sur les émotions, on comprend mieux ce qui se passe en soi et on devient capable de décrypter les messages que nous envoient les émotions);
  • développer le sens de la responsabilité individuelle des enfants en les invitant à trouver des solutions et à réparer quand c’est nécessaire.

Nous aimerions que la conduite de nos enfants soit identique à celle d’adultes pleinement développés et intelligents, mais leur âge est justement incompatible avec des comportements logiques, stables et toujours moraux. Nous gagnerions à ajuster nos attentes : il n’est pas raisonnable d’attendre de nos enfants qu’ils se comportent bien en toutes circonstances ni qu’ils sachent toujours distinguer entre le bon et le mauvais choix (… peut-on même l’attendre d’un adulte ?)

Le cerveau des enfants est encore en construction

Comprendre et accepter que le cerveau des humains est évolutif aide à développer une compassion plus profonde envers les réactions des enfants :

  • comprendre ce qui les contrarie,
  • accepter qu’ils aient du mal à se maîtriser en toute circonstance,
  • adopter leur point de vue,
  • ajuster les attentes en fonction de leur niveau de développement,
  • faire preuve de patience,
  • se connecter émotionnellement.

Vous connaissez le vieux dicton : « Donne un poisson à un homme et il aura à manger pour un jour. Apprends-lui à pêcher et il aura à manger pour toujours. » Notre principal objectif n’est pas que nos enfants fassent ce que nous attendons d’eux parce que nous les surveillons ou les encadrons en permanence (ce qui serait fort peu pratique, après tout, à moins que nous ne projetions de vivre et travailler auprès d’eux jusqu’à la fin de nos jours.) Nous visons plutôt à les aider à apprendre comment faire seuls les bons choix, quelle que soit la situation qu’ils vivent. Ce qui signifie que nous devons considérer leurs incartades comme autant d’occasions de les entraîner à construire d’importantes aptitudes, et faire en sorte que ces expériences structurent en profondeur leur cerveau. – Daniel Siegel et Tina Payne Bryson

C’est justement parce que le cerveau de l’enfant est encore en construction que nous avons le devoir de lui offrir notre cerveau mature d’adulte comme un « cerveau supérieur externe » (capable d’offrir tempérance, empathie, raisonnement logique, maîtrise, exigences adaptées, verbalisation, collaboration).

Les enfants n’ont pas besoin de souffrir pour “mieux” se comporter (que cette souffrance soit physique à travers des fessées, claques ou émotionnelle à travers du chantage, des menaces, des retraits d’amour). Au contraire, les enfants font bien quand ils se sentent bien.

Les punitions sont inefficaces et nocives

Jane Nelsen, autrice de La discipline positive, propose un modèle pour résumer les résultats négatifs des mesures punitives à long terme : les 4R de la punition.

1. La Rancoeur

Les enfants punis peuvent estimer que d’une part la punition n’est pas juste et d’autre part ils ne peuvent pas faire confiance aux parents.

2. La Revanche

Les enfants punis auront envie de gagner à la prochaine confrontation pour rééquilibre le jeu de pouvoir.

3. La Rébellion

La plupart des enfants punis refusent la soumission. Ils ont alors à cœur de prouver aux adultes que ces derniers ne peuvent pas les obliger à faire ce qu’ils veulent.

4. Le Retrait

Le retrait peut s’exprimer sous deux formes :

  • l’élaboration de stratégies du « pas vu, pas pris »,
  • la baisse de l’estime de soi : « Je ne vaux rien, je suis méchant.e, je suis nul.le, je mérite de souffrir voire de mourir ».

Un enfant qui se sent aimé inconditionnellement, respecté, compris et encouragé a plus de chance de faire confiance à ses parents et de coopérer. Et même quand ce n’est pas le cas, il est toujours possible de raisonner en termes de besoins et d’émotions pour comprendre pourquoi l’enfant n’a pas envie de coopérer ou pourquoi il se montre désagréable.

Apprendre à décoder les comportements des enfants en besoins

Raisonner autrement pour faire autrement

Les comportements inappropriés des enfants sont des signaux, pas des affronts. Le fait de chercher à décoder les émotions et à les traduire en besoins non satisfaits permet d’ouvrir la voie vers une résolution non violente du conflit.

Voici quelques exemples pour apprendre à raisonner en termes de besoins et d’émotions avec les enfants :

Apprendre à raisonner en termes de besoins

Apprendre le langage des besoins

Notre manque de « connaissance du langage des besoins » est un obstacle à la résolution pacifique des conflits. Face à un message négatif, nous pouvons choisir de réagir de 4 façons :

  1. nous juger fautif (je suis un mauvais parent, je fais tout de travers, mon enfant est mal élevé à cause de moi…)
  2. rejeter la faute sur les autres (il/elle est insupportable, il/elle ne fait que des caprices, c’est à cause de son père…)
  3. identifier nos propres sentiments et besoins (quand mon enfant fait cela, je ressens de la colère/ de la tristesse… car j’ai besoin de calme/ coopération/ reconnaissance/ aide…)
  4. identifier les sentiments et les besoins qui se cachent derrière le message inapproprié de l’autre (quand mon enfant se comporte de cette manière, il ressent probablement de l’impuissance/ du découragement/ de la colère… car il a besoin de respect/ autonomie/ compréhension…)

Chaque message, quel que soit son contenu ou sa forme, est l’expression d’un besoin. – Marshall Rosenberg

Nous pouvons nous entraîner, comme un jeu, à tenter de deviner les besoins à l’origine de n’importe quel message. Cette capacité à discerner les besoins des autres est capitale dans la résolution non violente des conflits.

LE COMPORTEMENT EST UN SIGNAL

L’écoute active et empathique pour des relations respectueuses et pleines de sens

De la connexion émotionnelle…

L’écoute active et empathique est très utile en ce sens. Ecouter avec empathie ne veut pas pour autant dire laisser les enfants taper, casser, crier, insulter… Il est possible de rappeler les règles sans humilier ou chercher à faire souffrir.

Stop, je ne te laisserai jamais faire de mal à ton frère/ ta soeur/ ton camarade.Tu peux demander les choses sans frapper. 

Tu viens de crier sur XXX. Ce n’est pas agréable pour elle/ lui et je crois qu’il/ elle n’a plus envie de jouer avec toi. Qu’est-ce que tu pourrais faire pour que ça se passe mieux entre vous ? 

La préparation et l’anticipation permettent de prévenir de nombreuses situations propices aux frictions. Par exemple, nous avons passé ce mercredi après midi avec des amis. Ma fille et leur garçon s’entendent très bien… mais cela peut parfois être explosif car il déteste quand ma fille touche ses affaires sans lui demander avant. J’avais les deux enfants dans la voiture et j’en ai profité pour préparer la visite :

A., tu te rappelles la dernière fois qu’on est allé chez L. ? Ça ne s’est pas très bien passé parce qu’il t’avait prévenue de lui demander la permission avant de jouer avec ses affaires ? J’ai besoin de savoir que cela va bien se passer cet après-midi et j’aimerais qu’on trouve une solution. L., est-ce que tu veux toujours que A. te demande avant de toucher tes jouets ? A., est-ce que tu penseras bien à demander la permission à L. ? Qu’est-ce que tu peux faire pour bien y penser ? L., si A. touche des jouets alors qu’elle ne te l’a pas demandé avant, comment tu vas réagir ? Tu te sens capable de lui dire sans lui crier dessus ? 

… à la résolution pacifique des conflits

Plus on est dans une démarche de compréhension, plus les comportements “inappropriés” des enfants diminueront puisque non seulement, ils auront acquis des compétences émotionnelles et relationnelles, mais ils auront également moins besoin de recourir à des stratégies inappropriées pour se faire entendre. Par ailleurs, l’objectif n’est pas de faire disparaître tous les conflits. Le conflit en soi n’est pas “négatif”, c’est juste l’expression de plusieurs besoins insatisfaits qui n’ont pas encore pu être conciliés. Il est possible d’aborder les conflits dans une perspective non violente.

Nous pouvons apporter une assistance en tentant de discerner les besoins des deux parties, en les traduisant par des mots, puis en aidant chacune des parties à entendre les besoins de l’autre. C’est ainsi que se crée une qualité de relation qui permet une résolution heureuse du conflit.– Marshall Rosenberg

Je repense par exemple à un élève de 13 ans que j’accompagne dans ses apprentissages. On prend toujours quelques minutes en fin de séance pour parler de manière informelle de ses émotions, de ses réussites, de ses échecs, des stratégies à mettre en place. Il me racontait cette semaine qu’il avait eu une forte altercation avec son père car il avait joué à la tablette plus longtemps que le temps autorisé et s’était fait “prendre” par son père. Ce dernier l’a alors copieusement disputé et le garçon s’est senti humilié, impuissant et avait même réfléchi à des manières de mieux se cacher la fois prochaine… On a alors essayé de comprendre pourquoi son père avait réagi ainsi et comment ils auraient pu s’en sortir sans violence. Je lui ai demandé quelle était la règle de temps de jeu, qui l’avait édictée, comment il jugeait cette règle, quels étaient ses besoins à lui, quels besoins son père avait voulu satisfaire en réagissant ainsi et quelles émotions cette réaction avait éveillées chez l’adolescent. Il se trouve que la règle a été imposée de manière non négociable par les parents et que le garçon n’en a pas saisi les tenants et aboutissants (peur des parents pour sa santé mentale et physique par une trop grande consommation d’écran, inquiétude pour sa réussite scolaire, désir de contribuer à une vie saine…). Si la règle avait été discutée de par et d’autre en permettant à parents et enfants d’exprimer leurs vulnérabilités (émotions, peurs, besoins), l’adolescent aurait été plus enclin à la respecter et se serait senti le droit de demander à ses parents de la réviser en fonction de ses nouveaux besoins et de son âge… plutôt que chercher des stratégies pour mieux se cacher. (Par ailleurs, j’ai prêté des livres sur l’éducation bienveillante aux parents ;) ).

C’est très puissant pour les relations de famille d’accorder de l’importance aux besoins non satisfaits et de toujours commencer par là, aussi bien chez les parents que chez les enfants et les adolescents. Les comportements sont toujours des indicateurs sur ce qui se passe à l’intérieur.

Toujours rediriger les comportements APRÈS s’être connecté émotionnellement

C’est seulement une fois que nous avons écouté et accueilli les émotions révélatrices des besoins que nous pourrons rediriger un enfant sur le terrain de l’explication logique et de la planification. Quand le cerveau de l’enfant est ramené à un état plus intégré (non dominé par les émotions), le cerveau “rationnel” est comme « rebranché ».

Cette deuxième étape peut alors prendre la forme :

  • d’une explication logique,
  • d’un plan à mettre en place dans les prochains jours,
  • d’idées à évaluer pour résoudre le problème,
  • de conséquences ou de réparations face à un acte inapproprié,
  • d’un rappel de la règle…
mauvais comportements enfants

Source : Le cerveau de votre enfant – Daniel Siegel et Tina Bryson

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Pour aller plus loin : Le cerveau de votre enfant de D. Siegel et T. Bryson (éditions Les Arènes).

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