Notre propre style d’attachement influence notre manière d’être parent.
La théorie de l’attachement : un style d’attachement qui émerge dans l’enfance et qui a des répercussions à l’âge adulte
Pour John Bowlby, psychologue anglais père de la théorie de l’attachement, l’instinct qui conduit un bébé à rechercher sa mère n’est pas celui de l’alimentation, dite pulsion orale chez Freud, mais bien plutôt un instinct de protection satisfaisant un besoin de sécurité à travers une relation avec une personne source de protection, et notamment sa figure d’attachement (le plus souvent sa mère).
La théorie de l’attachement, telle que conçue par Bowlby, indique qu’un bébé a besoin d’être sécurisé, dès sa naissance, par des adultes qui répondent à ses besoins de toute nature (physiologiques, émotionnels, affectifs).
Le système d’attachement a comme objectif de maintenir la proximité du bébé avec sa figure d’attachement pour que cette dernière satisfasse ses besoins vitaux.
Le paradigme de la situation étrange permet d’évaluer les réactions d’un bébé au stress, le déclencheur du stress étant la séparation brève d’avec sa mère et la confrontation avec une personne étrangère. Se retrouver seul face à un inconnu sert de déclencheur du comportement d’attachement, mettant fin à l’exploration chez le bébé. La présence ou le retour de la mère constitue le signal d’extinction du comportement qui cesse alors.
C’est ce paradigme de la situation étrange qui a permis d’évaluer les réactions du bébé à la séparation d’avec sa mère et à la présence d’un inconnu, d’observer son comportement lors des retrouvailles ainsi que ses capacités d’exploration de l’environnement en fonction du contexte.
C’est à partir de l’observation des réactions des enfants au retour de la mère que Mary Ainsworth, à la suite de Bowlby, a établi la classification de l’attachement des bébés en trois catégories :
- l’attachement insécure ambivalent/anxieux,
- l’attachement insécure évitant,
- l’attachement sécure.
Un quatrième style d’attachement a été ajouté ensuite : 4. l’attachement insécure désorganisé (ou désorienté).
Les 4 types d’attachement
La principale caractéristique qui différencie un attachement sécure d’un attachement insécure est liée au fait que, dans le premier cas, le parent répond adéquatement aux signaux et aux besoins de l’enfant et ce dernier n’a pas d’effort particulier à faire pour être entendu et objet d’attention, d’affection. Dans le second cas, la réponse est soit inadaptée, soit incohérente, ce qui conduit l’enfant à devoir mettre en place des stratégies particulières d’adaptation.
1. Un attachement de type sécure se maintient au long des années et est associé à une certaine flexibilité mentale et une confiance dans la vie et en soi.
2. Un attachement insecure évitant est marqué par un évitement par l’enfant de ses états émotionnels qui ne sont pas reconnus et traités en tant que tels par les adultes. L’attachement évitant est caractérisé par un manque d’attention de la figure d’attachement face à la détresse de son enfant, par des réactions de colère ou des moqueries. Les enfants à l’attachement évitant inhibent leurs manifestations affectives pour en éviter les conséquences indésirables (les réactions négatives de la figure d’attachement). L’accent est placé sur le raisonnement au détriment des affects.
3. L’attachement insecure ambivalent/anxieux s’illustre par un fonctionnement quasi exclusif sur un mode émotionnel chez l’enfant, là encore engendré par des réactions parentales qui peuvent être opposées telle que l’hypervigilance anxieuse (surprotection) ou au contraire le désintérêt ou la négligence. A l’âge de parler, l’enfant anxieux/ambivalent pourra manipuler volontairement l’autre particulièrement en feignant des émotions qui ne sont pas réelles ou en exagérant celles qui le sont. Ces stratégies de maintien du lien peuvent s’exprimer d’autres manières : opposition, agressivité, mensonges, fausses excuses, séduction, critiques, plaintes…
4. L’enfant à l’attachement insécure désorganisé/ désorienté a un comportement chaotique et instable. L’enfant perd le lien avec ses émotions et sa vie affective. Les spécialistes de l’attachement parle de “une peur sans solution”. Il n’a pas de stratégie d’attachement repérable.
L’influence des styles d’attachement dans différents domaines de la vie adulte, y compris la parentalité
Les travaux de Christine Genet et Estelle Wallon (Psychothérapie de l’attachement, éditions Dunod, 2019) portent sur l’influence des styles d’attachement dans différents domaines de la vie, y compris la parentalité. Prendre conscience de notre propre style d’attachement nous permet de gagner en qualité de vie (relation aux autres, couple, résistance au stress, meilleure santé physique et mentale), mais également en bientraitance en tant que parent.
Les adultes à l’attachement secure
Un adulte à l’attachement secure hérité de l’enfance ou acquis à travers des expériences correctrices (entretenir une relation de couple satisfaisante, avoir un travail valorisant, entreprendre une psychothérapie, se révolter contre les maltraitances passées, vieillir, s’apaiser, et vivre tout événement qui permet de prendre de la distance par rapport aux expériences passées et de favoriser la résilience) est capable d’empathie et sait bien gérer son stress.
En tant que parent, il est attentif et sensible aux besoins de son enfant tout en supportant que cet enfant s’éloigne et explore en autonomie. Par ailleurs, l’adute secure accepte l’échec et reconnaît ses erreurs (y compris envers ses enfants).
La bientraitance éducative est une évidence pour ces adultes qui, même s’ils peuvent perdre patience ou crier occasionnellement, sont capables de réparer la relation. Ils ne se sentent pas défiés ou provoqués par les comportements des enfants mais cherchent les besoins cachés derrière les comportements et savent que certains comportements (maladresse, tape des jeunes enfants, recherche d’attention…) correspondent à des étapes normales du développement humain.
Les adultes à l’attachement insecure
Un adulte à l’attachement insecure évitant (détaché) vit le stress de façon intense et a un fonctionnement rigide. Les règles prédominent et leur remise en question est perçue comme un affront personnel, provoquant de la détresse et une forte résistance. Il est peu sensible à la détresse et aux besoins émotionnels des enfants qu’il vit comme anxiogènes. Il porte un amour conditionnel et se détourne vécu émotionnel au profit des performances. Cet adulte agit plus qu’il ne ressent. L’attachement insecure évitant est facteur de vulnérabilité pour le fonctionnement mental et la
résistance au stress.
Un adulte à l’attachement insecure ambivalent/ résistant (préoccupé) a des réactions empreintes de colère face au stress. En tant que parent, cet adulte est renvoyé à des sentiments douloureux face aux comportements de détresse des enfants. Il a un fort sentiment d’impuissance qui entraîne un style de parentalité imprévisible et défensif. L’attachement insecure ambivalent entraîne une volonté de contrôler la vie des autres (y compris les enfants) et les autres doivent combler les besoins d’attachement (les besoins des enfants venant en compétition avec ceux du parent).
Un adulte à l’attachement insecure désorganisé (craintif) est en hyper réaction face au stress et a du mal à reconnaître les besoins des autres. Les besoins des bébés et des enfants réveillent les souvenirs de traumas passés. Le style de parentalité est dominé par le contrôle (pouvant aller jusqu’à la tyrannie), la violence et/ou la négligence. En tant que parent, cet adulte se sent confus (la confusion pouvant aller jusqu’au désespoir) et peut éprouver de l’hostilité envers ses enfants.
L’attachement sécure constitue un facteur de résilience
L’attachement sécure constitue un facteur de résilience face à l’adversité, car la personne sécure a confiance en elle et dans le monde de manière générale. Elle ne ressent pas le besoin de se méfier, de se blinder ou d’être sauvée ou appréciée à tout prix. Des personnes à l’attachement insécure peuvent changer leurs représentations mentales et tendre vers un attachement sécure si elles connaissent des expériences agréables de couple, de travail ou d’amitié.
On comprend alors toute l’importance des relations humaines de qualité et du travail sur soi en conscience, avec l’appui d’un entourage lucide sur les violences éducatives ordinaires (VEO) et de professionnels si nécessaire. Ce travail sur notre propre style d’attachement permet de bien saisir que nous ne vivons en dehors ni de notre environnement culturel ni de notre passé. C’est la raison pour laquelle certains spécialistes parlent d’éducation « consciente » pour mettre l’accent sur la nécessité d’un travail de déminage du passé dans le cheminement vers la bientraitance éducative.
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Source : Psychothérapie de l’attachement de Christine Genet et Estelle Wallon (éditions Dunod). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.
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