Comment accompagner les colères des enfants avec bienveillance ?
On peut considérer qu’il existe deux phases dans l’accompagnement des colères des enfants avec bienveillance :
- Accompagner les colères quand elles se présentent,
- Prévenir les grosses crises de colère des enfants avec des solutions préventives.
1. Accompagner les colères des enfants avec bienveillance quand elles se présentent
La notion de colère réparatrice et l’écoute active
La colère n’est pas en soi une émotion à bannir à tout prix. Elle a une valeur réparatrice face à une frustration : c’est ce qu’Isabelle Filliozat appelle la colère réparatrice. De plus, la colère est à prendre comme un signal qui vise à porter l’attention sur ce qui a provoqué la colère (le déclencheur). La colère est seulement la partie émergée de l’iceberg : quel est le déclencheur ? Enfin, le cerveau de l’enfant n’est pas mature d’un point de vue émotionnel : il est biologiquement impossible pour lui de maîtriser ses émotions. Il est littéralement submergé par ses émotions fortes.
L’enfant a besoin de l’accompagnement de l’adulte pour ne pas être envahi et débordé par ses affects, pour canaliser son énergie, pour apprendre à exprimer ses besoins de manière socialement acceptable, pour savoir qu’il ne court pas de danger en se laissant aller à ce qu’il ressent. Pas question donc de le laisser seul avec ses émotions quand il n’a pas encore les outils mentaux pour gérer efficacement ce qu’il vit. Plutôt que laisser les enfants seuls aux prises avec leurs monstres intérieurs, nous pouvons être là. Les parents ont la responsabilité de la sécurité affective des enfants.
L’enfant a besoin de sentir la solidité de ses parents lorsqu’il vit une émotion et il a besoin de les voir eux aussi traverser des émotions, même fortes, sans être détruits. Au fur et à mesure que l’enfant grandit, le parent se retire. – Isabelle Filliozat
L’écoute des émotions de l’enfant passe par une écoute empathique : refléter ce que nous entendons dans ce que vient de dire l’enfant, percer ce qui sous-tend les paroles prononcées par l’enfant, écouter la résonance émotionnelle dans ce que l’enfant dit, se mettre à sa place.
C’est en ce sens que l’écoute active à travers l’accueil des émotions est une manière efficace et appropriée de réagir aux colères des enfants.
Vous pouvez accompagner les colères de votre enfant avec des paroles qui témoignent de votre reconnaissance de ce que vit l’enfant :
“Je comprends que tu sois frustré, tu avais envie de ce bonbon/ jouet”.
Pour autant, frapper, casser, insulter ne sont pas acceptables
“Tu as le droit d’être en colère mais pas de taper.”
“Les gens ne doivent pas se faire mal. Je ferai toujours tout ce qui est en mon pouvoir pour t’empêcher de te faire du mal ou de faire mal aux autres.”
Proposer un endroit pour se calmer avec des outils de gestion des émotions
L’idée est de proposer aux enfants un espace de retour au calme plutôt qu’un isolement au coin. Cet espace de retour au calme sera agrémenté d’outils qui permettront à l’enfant de développer des compétences et de cultiver son intelligence émotionnelle.
Cet espace serait agrémenté de :
- coussins,
- peluches,
- crayons et feuilles pour dessiner la colère,
- livres,
- une boîte à émotions
- une roue de la colère grâce auxquels ils auront à disposition des moyens de se calmer.
L’adulte pourrait alors demander à l’enfant : « J’ai l’impression que tu as besoin d’un temps calme. Est-ce que cela t’aiderait d’aller dans l’espace de retour au calme ? Si tu veux, je peux t’y conduire/ t’accompagner ». Ainsi, l’enfant dispose des moyens de se calmer et ne sent pas exclu. Le temps de retour au calme a alors une visée structurante et vise l’acquisition de compétences émotionnelles et relationnelles.
Quand il ou elle tape
Un enfant a le droit d’être en colère mais que ça ne lui donne pas pour autant le droit de taper. Taper, c’est interdit car taper fait mal et ceci est valable tout le temps pour toutes les personnes et même les animaux. Il faut que l’enfant comprenne que taper est moins efficace que demander calmement pour obtenir quelque chose ou faire passer un message. Taper ne lui permettra jamais d’obtenir quoique ce soit de qui que ce soit.
“Tu peux dire les choses avec des mots.”
Pour accompagner les colères des enfants avec bienveillance, on peut se mettre à genoux à la hauteur de l’enfant pour lui passer ce message en évitant de :
- rabaisser l’enfant (“méchant, tu devrais avoir honte”),
- exploser nous-mêmes (allons plutôt nous isoler quitte à s’appliquer à nous-même la méthode de la feuille de papier jetée),
- frapper l’enfant.
Les enfants apprennent de nos gestes plutôt que de nos paroles et ils reproduisent les exemples de leurs premiers modèles : leurs adultes qui s’occupent d’eux.
Pour aller plus loin : Comment réagir face à un jeune enfant qui tape, mord et se met en colère ?
Avant l’explosion, anticiper les prémisses annonciateurs
Quand les premiers signes d’une grosse colère pointent le bout de leur nez, on peut agir avant que l’enfant ne s’énerve et et que la colère se transforme en violence. Par exemple, s’il s’agace sur un puzzle qu’il n’arrive pas à terminer ou sur ses pâtes qu’il n’arrive pas à piquer avec sa fourchette, on peut lui proposer de l’aide : “je parie que cette pièce va ici” ou “qu’est-ce que ça donnerait si tu faisais comme ça ?“. L’idée n’est pas de faire à sa place mais de le débloquer et de le laisser terminer son activité en autonomie.
A ce moment-là, on pourra valoriser sa maîtrise de lui-même et l’encourager : “Tu l’as fait tout seul“, “C’est agréable pour toute la famille quand tu restes calme et concentré.“,”Je comprends ce que tu ressens quand tout ne marche pas comme tu veux et je suis vraiment fier(e) de voir que tu es capable de garder ton calme“.
Pour accompagner les colères des enfants avec bienveillance, on pourrait aussi mettre en place un baromètre de la colère : par exemple, vert, tout va bien; orange, ça commence à chauffer; rouge, c’est explosif ! Quand l’enfant est capable de mettre des mots sur sa colère, il peut prévenir qu’il est en train de passer du vert au orange ou carrément du orange au rouge. Cela laisse le temps d’anticiper avec des moments de calme ou de reconnexion avant que la colère ne devienne explosive.
Un câlin quand c’est possible, plutôt qu’un raisonnement pendant les colères !
Quand la crise de colère est vraiment forte, il est inutile de raisonner ou d’expliquer quoi que ce soit à votre enfant. Lorsque nous sommes en colère, nous sommes comme déconnectés de notre capacité à prendre des décisions logiques. Nous sommes en prises directes avec notre stress et plus rien ne joue le rôle de modérateur des émotions. Ceci est valable pour les adultes… et encore plus pour les enfants dont le cerveau est en cours de développement !
Si l’enfant est d’accord, on pourra accompagner sa colère par un gros câlin. Quand l’enfant ne veut pas se faire approcher ou toucher, une simple présence empathique, calme et silencieuse l’aidera à passer le cap de cette tempête émotionnelle qui le submerge.
2. Prévenir les grosses crises de colère des enfants avec des solutions préventives
Savoir reconnaître ses émotions
Tant que le cerveau n’a pas atteint sa pleine maturité (pas avant 20 ans, certains chercheurs affirmant même vers 30 ans), les processus de gestion des émotions ne sont pas totalement fonctionnels. L’enfant a alors des difficultés à contrôler et maîtriser ses réactions émotionnelles. L’enfant n’est pas en mesure de gérer l’ensemble des émotions qui affluent en lui du fait de l’incomplétude de ses réseaux neuronaux.
L’apprentissage du langage et du vocabulaire des émotions aura alors sur l’enfant un impact sur son comportement social, et notamment sa capacité à surmonter le stress, à gérer son agressivité et à exprimer ses affects.
Un tableau des émotions pour communiquer sur l’humeur du moment
Le tableau des émotions ou tableau des humeurs est un outil alternatif aux punitions et préventif des colères explosives car l’enfant peut l’utiliser pour définir son humeur du moment et vous la communiquer afin que vous la preniez en compte. Cet outil est efficace pour passer des colères explosives aux colères réparatrices.
On pourra afficher ce tableau (ou un autre) dans un endroit visible et central de la maison. On l’introduira en expliquant que tout le monde (adultes et enfants, même les animaux) ressent des émotions. On pourra raconter les situations dans-lesquelles nous avons mous-mêmes ressenti ces émotions puis demander aux enfants en quelle circonstance ils les avaient ressenties eux aussi.
On pourra ensuite expliquer qu’ils peuvent utiliser le tableau des émotions pour définir leur humeur du moment, que nous prendrons en compte cet état et que nous le respecterons. Pour ma part, j’avais conservé l’étiquette aimantée de son prénom de l’école : parfait pour indiquer la case de l’humeur du moment (d’autres personnes utilisent des pinces à linge).
Exprimer sa colère sans violence, ça s’apprend
Il existe des manières de s’exprimer sans agresser ni hurler et encore moins taper. Il est possible d’apprendre des techniques pour laisser sortir la colère de manière respectueuse de soi et des autres, comme par exemple :
- utiliser une feuille de papier que l’enfant met en boule en imaginant y mettre toute sa colère puis qu’il jette de toutes ses forces,
- dessiner la colère jusqu’à ce qu’elle s’évanouisse,
- faire un câlin à un doudou ou à un animal de compagnie,
- pratiquer la respiration.
Plus de ressources : 20 outils pour apprivoiser la colère des enfants (et la nôtre !)
Des livres pour enfants pour aborder le thème de la colère dans les moments calmes
Les livres peuvent servir de médiateurs pour parler de la colère avec les enfants. En plus d’éclairer les enfants sur les mécanismes de la colère, les ouvrages dédiés à la colère enfantine proposent souvent des pistes pour apprivoiser cette émotion forte et éviter que la colère légitime et réparatrice ne dégénère en violence ou en mots regrettables.
En voici une sélection :
Un exemple : Ma colère de feu : un livre ressource pour comprendre et apaiser la colère des enfants
Gérer les colères des enfants avec bienveillance à l’extérieur (supermarché, fête foraine…)
Il est toujours difficile de gérer des colères explosives à l’extérieur de la maison et de surcroît en public. Si votre enfant vous réclame un jouet/ un bonbon… dans un magasin et que vous n’êtes pas disposé à lui accorder, faites glisser subtilement la discussion sur un autre terrain. Par exemple, si votre fille veut que vous achetiez une poupée au magasin,
- demandez-lui ce qui lui plait dans cette poupée,
- posez-lui des questions sur ce qu’elle vous décrit et donnez votre propre avis,
- dites-lui que ce n’est pas le moment des cadeaux mais qu’en revanche, elle peut garder cette idée dans sa tête pour la mettre sur sa liste de Noël ou d’anniversaire,
- conseillez-lui de bien la regarder pour se souvenir de tous les détails à répéter au Père Noël qui ne devra pas se tromper !
En mesure préventive, on peut donner des responsabilités avant les courses (par exemple, chargez votre enfant de choisir et peser les fruits et de trouver le rayon des pâtes). Vous pouvez aussi avertir votre enfant avant de quitter la maison que vous allez en courses mais que vous n’achèterez que ce qui est prévu sur la liste et rien d’autre.
Lire aussi : Les listes des envies : utiliser l’imagination pour satisfaire les envies des enfants (et apprivoiser la frustration)