La conscience du corps est à la base de la guérison face à un traumatisme.

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Bassel Van der Kolk est un psychiatre spécialiste mondial du traumatisme et du Syndrome de Stress Post Traumatique (SSPT). Dans son livre Le Corps n’oublie rien, il présente des pistes complémentaires et non exclusives les unes des autres pour retrouver la maîtrise de soi et se remettre d’un traumatisme.

Bassel Van der Kolk estime qu’un bon moyen de changer ce que l’on éprouve quand on est traumatisé est de prendre conscience de son expérience intérieure et de “pactiser” graduellement avec elle.

Le psychiatre rappelle que les émotions sont inscrites dans le corps. 80 % des fibres du nerf vague (qui relie le cerveau à une série d’organes internes comme le cœur et les poumons) courent du corps vers le cerveau. Ainsi, nous pouvons réguler notre système d’excitation dans le cerveau par notre manière de respirer, de scander et de bouger.

S’ouvrir à l’expérience intérieure personnelle et prêter attention aux sensations

Quand on prête attention à ses sensations, on peut reconnaître les fluctuations des émotions et, ainsi, mieux les contrôler.

Les traumatisés ont souvent peur de ce qu’ils éprouvent. Leurs sensations physiques sont devenus leur ennemi. L’angoisse d’être envahi par des sensations désagréables maintient leur corps bloqué et leur esprit fermé.

Même si le traumatisme appartient au passé, leur cerveau émotionnel continue à produire des sensations paralysantes ici et maintenant. Les traumatisés ne pensent pas ou ne racontent par leur traumatisme, ils le revivent réellement avec les mêmes sensations éprouvées dans le passé.

Bassel Van der Kolk remarque qu’il n’est pas étonnant que de nombreux traumatisés soient boulimiques, alcooliques, craignent de faire l’amour et évitent les activités sociales.

Pour sortir de ce cercle vicieux, ils doivent nécessairement s’ouvrir à leur expérience intérieure.

Le premier pas consiste à s’autoriser à se concentrer sur les sensations et à remarquer que les sensations sont passagères et dues à de légers changements de position, du flux respiratoire et du fil des pensées.

Exemple : « Quand je suis anxieux, ma poitrine est comme dans un étau. »

Le thérapeute peut alors dire à la personne traumatisée : « Concentrez-vous sur cette sensation et voyez comment elle change quand vous expirez profondément, quand vous tapotez votre thorax sous la clavicule, ou que vous vous autorisez à pleurer. »

Apprendre à observer et à supporter ses réactions physiques est une condition essentielle pour revisiter le passé sans risque. Si on ne peut pas tolérer ce qu’on éprouve sur le moment, replonger dans le passé ne fera qu’aggraver la souffrance et le traumatisme. – Bassel Van der Kolk

Passer par le corps pour se remettre d’un traumatisme : pleine conscience, mouvement, rythmes et action

Van der Kolk mentionne plusieurs approches pour reprendre le contrôle du cerveau émotionnel :

  • Une recherche, financée par les Instituts américains de la santé, a montré que dix semaines de yoga réduisaient nettement les symptômes de SSPT des patients chez qui tous les traitements, même médicamenteux, avaient échoué.

 

  • Le neurofeedback peut être aussi utile pour les enfants et les adultes.

 

  • Apprendre à respirer calmement et à rester dans un état de détente relative, même en accédant à des souvenirs terrifiants, est essentiel pour surmonter le traumatisme. Plus on reste concentré sur sa respiration, plus ses bienfaits augmentent, surtout si on maintient son attention jusqu’à la fin de l’expiration et qu’on attend un peu avant l’inspiration suivante. En continuant à respirer et à observer l’air qui entre et sort de ses poumons, on pourra penser au rôle de l’oxygène, qui nourrit l’organisme et insuffle aux tissus l’énergie nécessaire pour se sentir vivant et en prise (« en prise » veut dire que les personnes peuvent se sentir en contact avec leur chaise, voir la lumière entrer par la fenêtre, percevoir la tension dans leurs mollets, etc.)

 

  • D’autres traitements se fondent sur la pleine conscience, le mouvement, les rythmes et l’action – comme le yoga en Inde, le tai-chi en Chine et les percussions dans toute l’Afrique. Les Japonais et les Coréens ont créé les arts martiaux, fondés sur le geste intentionnel et la concentration sur le présent, des facultés qui sont altérées chez les traumatisés. L’aïkido, le judo, le kendo et le jujitsu, ainsi que la capoeira au Brésil, sont également de bons exemples.

 

  • Les activités rythmiques en groupe ont aussi un pouvoir thérapeutique (musique, danse, théâtre, jeux sensoriels…).
  • Le toucher est l’une des moyens les plus élémentaires pour se calmer. Bassel Van der Kolk affirme qu’on ne peut pas entièrement guérir si on ne se sent pas bien dans sa peau. C’est la raison pour laquelle il incite les traumatisés à faire se réapproprier le toucher corporel, à travers des massages notamment.

Lire aussi : Les arts pour accompagner les enfants et adolescents traumatisés (théâtre, danse, rythme, chant)

Des thérapies formelles s’appuient sur la complémentarité corps/ esprit/ cerveau

  • L’EMDR

Comme l’EMDR n’oblige pas les patients à parler de l’intolérable ni à expliquer au thérapeute ce qui les bouleverse, elle leur permet de rester pleinement concentrés sur leur expérience intérieure – ce qui donne parfois des résultats extraordinaires.

L’EMDR induit une détente dans l’esprit et/ou le cerveau qui donne un accès rapide à des images et à des souvenirs vaguement associés. Cela aiderait à mettre l’expérience traumatique en perspective ou à la replacer dans un contexte plus large.

L’EMDR peut être utile, même si le patient et le thérapeute n’ont pas de relation de confiance. Ceci est intéressant pour guérir d’un traumatisme parce que les gens ont rarement le cœur ouvert après un événement traumatique.

Les personnes traumatisées qui ont suivi une thérapie EMDR ont témoigné que leur traumatisme avait perdu son immédiateté pour devenir de l’histoire ancienne.

  • Le leadership du Self

La thérapie du Système familial intérieur (Internal Family System ou IFS) repose sur l’idée que l’esprit de chaque être humain ressemble à une famille, dont les membres n’ont pas le même niveau de maturité, d’irritation, de sagesse et de souffrance. Ces parties forment un réseau ou un système, où le changement de l’une influe sur toutes les autres.

L’IFS parle de plusieurs parties au sein des humains :

  • les exilés (les parties porteuses de souffrance et d’un fardeau qui les rend toxiques aux yeux des autres parties)
  • les parties protectrices qui s’organisent pour protéger la famille intérieure contre les exilés
    • les managers (des « managers » critiques et perfectionnistes peuvent veiller à ce que nous n’approchions jamais de personne ou nous pousser à une rentabilité acharnée)
    • les pompiers (des secouristes qui interviennent chaque fois qu’une expérience déclenche une émotion exilée)

L’IFS offre un cadre qui aide à comprendre toutes les parties et leurs fonctions. Reconnaître que chaque partie est bloquée par des fardeaux du passé et respecter sa fonction dans le système global la rend moins menaçante et moins bouleversante.

Pour aller plus loin : www.ifs-francophonie.com

 

Avoir un bon réseau de soutien est une protection efficace contre les effets post-traumatiques.

Van der Kolk rappelle que les adultes traumatisés répondent aux mêmes modes de réconfort que les enfants affolés : ils doivent être enlacés et bercés, sentir qu’une personne plus grande et plus forte les prend en charge.

Après un traumatisme intense – agression, accident ou catastrophe naturelle –, on a besoin de voix et de visages familiers, de contact physique, de nourriture, d’un refuge et d’un long sommeil. Il est crucial de communiquer, de près ou de loin, avec les êtres aimés, et de retrouver le plus tôt possible sa famille et ses amis dans un cadre apaisant. Les liens d’attachement sont la plus grande protection contre la menace. – Bassel Van der Kolk

La plupart des traumatisés ont besoin d’être encadrés par un thérapeute professionnel pour faire ce travail. Ce thérapeute doit bien connaître les effets du choc traumatique, de la maltraitance et de la négligence.

Par ailleurs, le soutien et le contact physique peut passer par une remédiation animale : côtoyer des chevaux ou des chiens peut être plus rassurant que se confronter à des humains pour certaines personnes dont le traumatisme est lié à une relation interpersonnelle (viol, inceste, maltraitance conjugale…).

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Source : Le Corps n’oublie rien : Le cerveau, l’esprit et le corps dans la guérison du traumatisme de Bassel Van der Kolk (éditions Albin Michel). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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