Éducation bienveillante : que faire quand on a l’impression que rien ne fonctionne ?

éducation bienveillante ne fonctionne pas

J’ai récemment reçu le message d’une maman qui m’a inspiré cet article. J’ai lu beaucoup de souffrance dans ses écrits car elle avait l’impression que tous ses efforts pour aller vers plus de bienveillance échouaient. Par ailleurs, son mari ne la soutenait pas dans son cheminement, renforçant cette impression que l’éducation bienveillante ne “fonctionne” pas.

La bienveillance est un état d’esprit, une philosophie avant d’être une accumulation d’outils et d’astuces. Par ailleurs, dire que ce type d’éducation ne fonctionne pas, cela veut dire qu’on lui accole une finalité : qu’attend-t-on de l’éducation dite “bienveillante” ? Des enfants obéissants parce qu’on leur parle gentiment ? Des enfants calmes et jamais en colère parce qu’on leur a enseigné des techniques de retour au calme ? Des parents toujours zen, jamais énervés et qui accueillent toutes les émotions de leurs enfants avec empathie sans jamais perdre patience ? Pourtant, il ne s’agit pas de cela.

Je suis convaincue qu’un travail sur soi et une remise en question des relations parents/ enfants traditionnelles sont nécessaires avant de chercher à appliquer des “habiletés” ou des outils prêts à l’emploi, aussi pertinents soient-ils.L’éducation bienveillante est critiquée de toute part, y compris par certaines personnes qui y sont a priori sensibles. Chez ces personnes, c’est le mot de “bienveillance” qui pose problème : on peut être “bienveillant” dans le sens de “vouloir le bien d’autrui” sans pour autant être bientraitant, être respectueux (c’est d’ailleurs tout l’enjeu du fameux “c’est pour ton bien” : je te donne une fessée pour ton bien donc je suis bienveillant). C’est la raison pour laquelle de plus en plus de personnes utilisent les termes de parentalité “consciente” (dans le sens où, pour pouvoir être bientraitant, il est nécessaire d’avoir fait un travail sur sa mémoire traumatique et donc d’avoir faire un pas vers plus de conscience) et de parentalité “bientraitante” (qui porte en elle la notion de respect, sans chercher à rendre les enfants plus heureux, plus empathiques, plus résilients, plus performants). L’éducation telle que je l’entends sur le blog (qu’elle soit étiquetée bienveillante/ bientraitante/ consciente/ non violente/ positive/ respectueuse…) tend à respecter au mieux la nature humaine pour permettre aux enfants de déployer leur potentiel (ce n’est pas tant leur donner quelque chose “en plus” que les laisser être qui ils sont sans leur enlever la joie de vivre à travers de la maltraitance physique et/ou émotionnelle).

Je vous propose quelques pistes issues de mon expérience personnelle et de mes lectures :

  • Chercher une oreille bienveillante pour nous-même

Quand on a l’impression que l’éducation bienveillante ne fonctionne pas, on a besoin d’entendre une discours d’empathie et de soutien : oui, c’est difficile d’élever des enfants dans une société qui ne fait pas beaucoup pour nous soutenir dans notre rôle de parents; oui, on a le droit de craquer; nous ne sommes pas parfaits et personne ne nous demande de l’être; oui, être un parent conscient et bientraitant est vraiment une lourde tâche; oui, parfois, on a l’impression que la bienveillance, c’est de la poudre aux yeux et que les gosses devraient juste obéir; oui, c’est normal parfois d’avoir envie de partir au bout du monde seul.e.

Catherine Dumonteil-Kremer, fondatrice du réseau Parentalité créative et consciente, a ouvert une hotline SOS Parentalité. Cette hotline est une service téléphonique gratuit ouvert de 14 heures à 17 heures, tous les jours sauf le dimanche et les jours fériés. Des professionnel.le.s formé.e.s par Catherine Dumonteil-Kremer sont au bout du fil pour vous écouter quand vous en aurez besoin et évoquer une ou deux pistes pour sortir la tête de l’eau.

éducation bienveillante ne fonctionne pas

 

  • Formuler des demandes dans un langage personnel, authentique et vulnérable

Si vous vous sentez dépassé(e) par vos enfants et incompris(e) par votre conjoint(e) et que vous cherchez du soutien et de la reconnaissance pour vos efforts dans votre entourage proche, mais que vous recevez peu d’aide, peu d’encouragements ou de signaux positifs, rien ne participe à vous dire que vous êtes dans la bonne direction et vous vous découragez… alors même que vous savez au fond de vous que cette voie est celle qui vous “parle”, qui correspond à vos valeurs.

Peut-être pourriez-vous exprimer vos besoins et vos demandes à vos enfants et votre conjoint/e) dans un langage authentique et personnel (je suis vraiment épuisé(e)/ découragé(e)/ à la limite de la dépression… et j’ai besoin de soutien/ d’encouragement/ de confiance…) afin de recevoir de l’empathie ? Quelles seraient les demandes que vous pourriez adresser à vos enfants et votre conjoint(e) ? De quoi avez-vous concrètement besoin de leur part (dans le quotidien et à court terme) ?

Par ailleurs, les mères sont plus victimes d’épuisement parental que les pères car les charges liées à la tenue du foyer et à l’éducation des enfants reposent encore majoritairement sur leurs épaules. La charge mentale, c’est penser toujours à tout, organiser et exécuter, sans répit, que ce soit au travail ou en famille. La charge mentale revient à penser en permanence à la gestion du foyer : les moments de détente sont parasités par des pensées autour de la famille, de la maison, des courses, des tâches domestiques ou encore du planning quotidien (activités extrascolaires des enfants, RDV médicaux, réserver le centre de loisirs pendant les vacances scolaires…). Cette charge mentale épuise un certain nombre de femmes, surtout quand la parentalité positive se transforme en “fardeau” supplémentaire. Cela reste important de faire comprendre l’intensité du mal être au partenaire. Quand la souffrance atteint un niveau très élevé et que les tentatives de communication précédentes ont échoué, il ne reste parfois que des initiatives désespérées : partir seule un weekend ou une semaine, faire la grève… Ces initiatives sont des appels à l’aide et peuvent être accompagnées de déclarations personnelles plutôt que d’attaques (comment on se sent, ce qui est important pour nous, ce qu’on a envie de vivre dans le couple, nos espoirs).

Pour aller plus loin :

 

  • Prendre conscience des “ennemis” de la santé mentale des parents

Quand on est épuisé(e), au bord du burn out parental, on ne peut pas prendre soin de sa famille et faire preuve de bienveillance dans cet état. Les trois plus grands ennemis des parents sont le stress, la fatigue et l’isolement. Je rajouterais un quatrième ennemi : le fait d’être trop dur avec soi-même, la culpabilité de ne pas être à la hauteur.

Si vous êtes stressé, si vous êtes fatigué, si vous êtes seul, si vous manquez de soutien de la part de votre entourage, vous ne pouvez pas être le parent que vous voudriez être. Votre humanité est plus importante que votre savoir : on peut avoir lu tous les livres d’éducation possibles, avoir passé des diplômes, être un bon professionnel (ou une bonne professionnelle) et en même temps se trouver démuni(e), excédé(e), se trouver nul(le).

En complément, je vous invite à lire cet  article : PARENTS : que faire quand on n’en peut plus ?

 

  • Être bienveillant(e) avec nous-même avant de pouvoir l’être avec les autres

On pourrait avoir l’impression de lire un énième conseil rabâché et vide de sens et pourtant, être bienveillant(e) avec soi-même avant de pouvoir être bienveillant(e) avec les autres, c’est abandonner l’idéal de perfection et apprendre à lâcher prise.

citation marshall rosenberg

Isabelle Padovani définit la bienveillance envers soi comme la tendresse avec laquelle je peux m’accueillir quand il y a un écart entre ce à quoi je m’attends (pratiquer l’éducation positive) et ce qui est dans la réalité (crier, punir).

La bienveillance influence la qualité de la relation que j’entretiens avec moi-même quand je m’écarte de mes valeurs ou de mes objectifs car je suis capable d’accueillir l’inconfort, le désarroi que cette situation cause à l’intérieur de moi, je fais preuve de compassion envers ce qui est touché en moi.

La bienveillance nourrit l’amour et la confiance : quand on « entre en amitié avec soi-même », on peut alors être en paix avec soi-même et les autres. J’ajouterai la phrase suivante de Marshall Rosenberg :

Nous ne pouvons réellement offrir avec amour que dans la mesure où nous recevons nous mêmes de l’amour et de la compréhension.

Et la première personne à pouvoir nous donner cet amour et cette compréhension, c’est nous même.

Finalement être bienveillant.e envers soi-même, c’est faire preuve d’auto empathie.

 

  • Accepter un travail sur nous

Ce point demande du courage, un engagement volontaire et est loin d’être facile ou agréable. Quand les blessures d’enfance sont trop profondes, l’accompagnement par un professionnel parait indispensable. Il est impossible (ou presque) d’adopter une éducation bientraitante sans travail sur la mémoire traumatique.

Un travail sur soi peut passer par plusieurs éléments :

 

  • Être conscient des émotions qui nous servent de guide (et des besoins insatisfaits qui nous poussent vers la violence)

La plupart d’entre nous n’avons pas été éduqués à (re)connaître et à comprendre nos émotions. Pourtant, cette éducation émotionnelle est indispensable dans ce cheminement vers une éducation non violente. Les émotions sont des guides précieux, elles sont comme des alertes sur l’impact de ce qui se passe autour de nous sur nous-mêmes.

causes des émotions

Voici quelques guides dans cette éducation émotionnelle pour les adultes :

 

  • Changer de regard sur l’enfant

Par ailleurs, l’éducation bienveillante s’accompagne nécessairement par un changement de regard sur la nature des relations parents/ enfants. Raisonner en termes de besoins et d’attachement nous guidera dans cette voie.

Apprendre à raisonner en termes de besoins

 

Se mettre plus souvent à la place de l’enfant, adopter son point de vue permet de mieux le comprendre et l’aider. Des notions clés sur lesquelles nous pouvons nous appuyer sont celles du respect et de l’intégrité physique et émotionnelle de l’enfant, de l’équidignité et de l’empathie.

Nous ne cessons d’enseigner des choses aux enfants, mais, pour savoir exactement ce qu’ils apprennent de nous, adopter le point de vue de l’enfant est très utile. Rappelez-vous, il a été établi que c’est bien le message reçu par l’enfant , par opposition à celui que nous pensons envoyer, qui va prédire l’efficacité de ce que nous faisons. – Alfie Kohn

 

  • Connaître les étapes du développement moteur, cognitif et émotionnel de l’enfant

Connaître les étapes de développement des enfants est un préalable pour éviter des demandes irréalistes ou conduisant à des conflits évitables.

étapes développement enfant 1 à 5 ans

étapes développement enfant 6 à 11 ans

 

Voici des éléments concernant les étapes du développement des enfants :

 

Pour reprendre les mots de Catherine Dumonteil-Kremer, oui, être un parent conscient est vraiment une lourde tâche. Non seulement nous devons travailler sur nous-même mais également faire face à une société qui ne nous facilite pas la tâche : vision traditionnelle de l’enfant qui fait des “caprices”, peur du laxisme, professionnels encore peu formés à la théorie de l’attachement, congés maternité et paternité peu propices au repos et à une qualité d’attachement, précarité financière, stress professionnel, pression scolaire sur les enfants, éloignement géographique de la famille, pression des réseaux sociaux et des pubs qui font passer des mythes pour la réalité…

J’écris beaucoup sur l’éducation non violente parce que découvrir cette philosophie a été pour moi une vraie révélation qui a contribué à une vie meilleure à tous les points de vue. Cependant, je n’écrirais jamais que c’est une voie facile, qu’il suffit d’y “croire” pour réussir à ne plus jamais crier, à ne plus jamais s’énerver, à supprimer tout conflit de la maison (mais qui demande cela en même temps ?). Toutefois, je reste convaincue que s’engager dans une éducation bientraitante et consciente, c’est saisir l’opportunité de s’élever en même temps que les enfants, de se découvrir des ressources insoupçonnées et d’élever des enfants qui n’auront pas à consacrer une partie de leur vie, de leur énergie, de leurs ressources à se remettre de leur enfance.
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La lecture de mon livre La co-éducation émotionnelle : s’élever en même temps qu’on élève les enfants (éditions Hatier) vous donnera des pistes pour raisonner autrement face aux comportements des enfants qui nous mettent en difficulté (avant de chercher à plaquer des astuces et conseils au risque de constater que “l’éducation positive, ça ne marche pas”). Il est disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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