Quand un enfant tape son frère ou sa soeur

Quand un enfant tape son frère ou sa soeur

Récemment, j’ai écrit un article au sujet des réparations qui peuvent remplacer les punitions. J’ai eu plusieurs remarques sur le sujet, notamment par des parents qui me disaient qu’ils avaient beau demander à l’enfant qui tape son frère ou sa soeur de s’excuser, il recommençait systématiquement et que le frère ou la soeur finissait par ne plus croire à la sincérité des excuses.

Nous sommes nombreux à dire aux enfants qui font mal aux autres : “Dis pardon” (ou sous forme de question : “Qu’est-ce qu’on dit ?”) Nous sommes souvent bien attentionnés quand nous prononçons ce type de paroles : nous pensons transmettre aux enfants les valeurs d’empathie, de respect et de politesse.

Pourtant, cette approche n’apporte pas les bienfaits qu’on voudrait lui prêter. Les enfants vont avoir tendance à associer le mot “pardon” à une espèce de mot magique qui les libère de toute obligation morale : ils peuvent bien faire du mal aux autres, ne pas les respecter, leur passer devant, leur abîmer leurs affaires… il leur suffira de demander pardon après. Par ailleurs, simplement dire le mot pardon n’engage pas la réflexion sur la manière dont les autres sont affectés, sur ce qui serait utile pour réparer (la relation, les affaires…) et sur la manière de faire preuve de responsabilité individuelle (encore moins sur la manière de faire différemment la prochaine fois).

Il y a d’autres éléments à prendre en compte quand un enfant tape son frère ou sa soeur : réparer la relation quand on l’a abîmée (comme s’excuser après avoir eu des mots ou gestes agressifs) est une chose, savoir maîtriser sa colère pour ne pas qu’elle dégénère en violence en est une autre. Par ailleurs, si c’est toujours le même enfant qui tape, il y a probablement des choses à explorer du côté relationnel : cet enfant ressent-il de la jalousie pour une raison ou une autre ? se sent-il abandonné, mis de côté ? quelle est l’intention positive pour lui que revêtent ses gestes violents (ex : attirer l’attention, satisfaire son besoin d’appartenance dans la famille, demander maladroitement au frère ou à la soeur de jouer ensemble…) ? quelles compétences a-t-il besoin de développer (gestion de l’impulsivité, vocabulaire émotionnel.. ) ?

Je suis en train de lire le livre de Laurence Dudek “Parents bienveillants, enfants éveillés” et elle aborde justement ce sujet. Je suis tout à fait en ligne avec ce qu’elle écrit et j’ai envie de le partager avec vous. Laurence Dudek, psychothérapeute, rappelle que les punitions ne servent pas à apprendre, qu’elles ne servent à rien d’autre qu’à être puni. Comment expliquer sinon qu’un enfant continue à en frapper un autre alors qu’il sait pertinemment que c’est interdit et qu’il va être puni pour cela ? Par ailleurs, les punitions sont une forme de violence éducative ordinaire : user de la violence en la justifiant (“tu mérites d’être puni.e et de souffrir, parce que tu as fait mal et que tu fais souffrir autrui”) est incohérent avec la volonté d’enseigner aux enfants à ne plus faire usage de violence.

Aucune violence n’est jamais bonne ni ne peut se justifier : toutes sont l’expression d’une impuissance. – Laurence Dudek

Un enfant qui en frappe un autre alors qu’il sait que c’est interdit est finalement victime de sa propre violence : il exprime lui-même une impuissance à régler sans violence un problème. Cet enfant-là a besoin d’apprendre les moyens d’identifier ses besoins, ses émotions et d’acquérir des moyens, des stratégies non violentes pour résoudre ses problèmes.

Laurence Dudek estime que les comportements violents entre frères et soeurs peuvent diminuer en jouant sur deux piliers :

  • organiser un contexte familial favorable à l’expression des émotions et à la satisfaction des besoins des uns et des autres;
  • enseigner des compétences relationnelles (pour faire en sorte que taper le frère ou la soeur ne soit plus le meilleur choix pour nourrir un besoin insatisfait).

1.Le contexte

Réfléchir au contexte, c’est se demander, en tant qu’adultes, comment éviter les conditions qui font émerger des situations potentiellement violentes entre enfants (et en particulier dans une fratrie). Laurence Dudek cite quelques exemples :

  • limiter la promiscuité,
  • ne pas comparer les enfants pour ne pas les mettre en concurrence,
  • assurer des temps de repos et de sommeil suffisants,
  • vérifier qu’un.a aîné.e n’a pas pris en charge une responsabilité éducative vis-à-vis des autres enfants de la fratrie,
  • s’assurer de ne pas soi-même frapper ou utiliser des actes violents ou que personne dans l’entourage de l’enfant ne frappe (peut-être que l’enfant qui frappe ne fait que reproduire un modèle qu’il a vu par ailleurs).

On pourrait également penser à des modifications dans l’alimentation (moins de sucres, moins d’additifs et conservateurs, moins de lactose, moins de sel), à des modifications dans l’emploi du temps (laisser des plages de jeux libres aux enfants, leur permettre de jouer dehors aussi souvent que possible…).

Par ailleurs, j’ajouterais qu’il peut être intéressant d’explorer les dynamiques relationnelles au sein de la famille. Peut-être qu’un enfant qui frappe son frère ou sa soeur se sent mis à l’écart, mal aimé, inutile, qu’il a l’impression de ne plus avoir sa place dans la famille depuis l’arrivée d’un petit frère ou d’une petite soeur.

 

2.L’enseignement de compétences relationnelles pour éviter que l’enfant tape son frère ou sa soeur

Cela dépend de nous de donner des informations nécessaires pour que les enfants puissent gagner en intelligence émotionnelle afin d’adopter des stratégies non violentes pour résoudre leurs problèmes.

La violence est toujours un moyen de remédier à une impuissance à agir sur son environnement et sur soi-même. Donner à l’enfant du pouvoir, en lui permettant de changer ce qui provoque sa colère, permet de le protéger de sa propre violence. – Laurence Dudek

Deux éléments importants sont à prendre en compte :

  • offrir une écoute empathique de ce que vit l’enfant

L’écoute active peut être un moyen efficace de permettre à l’enfant de dire ce qu’il a sur le coeur et motive ses comportements. Souvent, les adultes disent aux grands qui frappent les petits qu’il faut être gentil avec les plus petits, qu’eux sont les grands et qu’ils doivent montrer l’exemple, qu’ils doivent se montrer compréhensifs et prêter leurs affaires…

Malheureusement, ce type de phrases ne permettent pas l’accueil des émotions qui traversent les enfants et qui gouvernent leurs comportements inappropriés.

A l’inverse, dans l’écoute active, le parent essaie de comprendre ce que ressent l’enfant, de saisir ce que son message veut dire. Ensuite, le parent transforme sa compréhension dans ses propres mots et retourne le message à l’enfant pour vérification.

Le plus important pour le parent est de transmettre son propre message « décodé » sans évaluation, sans opinion, sans conseil ni raisonnement ou encore analyse. Il retourne seulement ce qu’il pense être le sens véritable du message de l’enfant sans nier son ressenti, ni le minimiser.

L’objectif de l’écoute active est d’aider l’enfant à en dire plus, à approfondir, à mieux développer sa pensée.

L’écoute active nécessite un ensemble d’attitudes pour qu’elle soit efficace. On doit vouloir :

-prendre le temps d’écouter ce que l’enfant veut dire

-aider l’enfant à résoudre son problème sans conseiller ni raisonner ou encore imposer sa propre solution

-accepter les sentiments de l’enfant sans imposer ce qu’il « devrait » ressentir

-faire confiance aux capacités de l’enfant à réfléchir et trouver ses propres solutions

-comprendre que les émotions évoluent (il n’y a pas lieu de s’effrayer des émotions qui sont exprimés car elles ne sont pas permanentes… elles passeront d’autant plus facilement qu’elles seront entendues, accueillies et comprises)

-voir son enfant comme une personne différente de soi : on se met dans la peau de l’enfant pour comprendre son ressenti, sa vision des choses, sa perception de la réalité pour la lui refléter en miroir.

-accepter de changer nos opinions et nos attitudes : adopter le point de vue de l’enfant peut nous amener à redéfinir notre propre manière de voir les choses.

L’écoute active peut passer par des expressions du type :

Tu sembles (fâché contre)…

Tu es tellement (en colère) que tu as envie de

Tu en as assez de…

Tu aimes vraiment… ? / …, ça te plait beaucoup, on dirait.

Tu as peur de…

Tu es déçu de…

Tu veux dire que…

…., c’est ça qui t’embête ? 

Tu n’as pas assez de temps pour…

Ça doit être (douloureux/ gênant) de…

 

  • fournir des moyens et outils à l’enfant pour qu’il régule et utilise ses émotions de manière appropriée

Il existe des outils pour aider les enfants à recourir à des solutions non violentes pour exprimer leurs émotions et régler leurs problèmes. En voici quelques uns :

La roue de la colère

roue-des-émotions

 

La roue des conflits pour aider un enfant qui tape son frère ou sa soeur

Roue des choix pour restaurer notre lien et résoudre notre conflit sans violence

 

Des fiches de gestion émotionnelle

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Source : Parents bienveillants, enfants éveillés : les 10 clés de l’Éducation Efficace de Laurence Dudek (éditions First). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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