Les ateliers PAPA, un entretien avec Fabian Languy : accouchement, allaitement, portage, cododo… des questions de pères aussi
Je vous propose un nouveau format d’article sur le blog. Il s’agit d’interviews menées par Ingrid van den Peereboom, animatrice de l’émission radio Vers une parentalité bienveillante sur RCF et spécialiste du portage physiologique. Ses interviews donneront la parole à des penseurs et des penseuses de l’accompagnement respectueux des enfants qui aborderont des thèmes peu évoqués par ailleurs.
Aujourd’hui, Ingrid s’entretient avec Fabian Languy. En avril 2020, ce dernier répondait aux questions d’Ingrid van den Peereboom au micro de RCF Liège au sujet de ses ateliers PAPA.
Dans l’entretien radiophonique disponible ici, nous avons abordé ensemble le projet de naissance, le besoin des pères de se sentir utiles à l’accouchement confronté au besoin des mères en présence et savoir-être. Vous avez également évoqué le fait que plus le papa paterne, plus il est heureux de paterner. La place du papa est assez spéciale. Il est souvent tenu à l’écart, sans doute de façon involontaire, par le milieu médical. Son rôle est pourtant déterminant. J’ai en mémoire une étude scientifique portant sur l’importance du soutien du père apporté spécifiquement à l’allaitement. Cette étude montre que c’est précisément l’attitude du père qui détermine la durée de l’allaitement. Les pères ont-ils conscience du rôle décisif qu’ils jouent dans la qualité des soins que leur enfant reçoit ? Car le fait qu’une mère se sente pleinement entendue et soutenue fait une différence majeure dans ce qu’elle va pouvoir donner en temps, en amour et en énergie à son nouveau né.
Je vais parler plutôt d’une intuition, de ce que je ressens, de ce que je pense plutôt que vraiment d’un partage que j’ai eu avec des papas. Le sentiment que j’ai, c’est que c’est une évidence uniquement à partir du moment où on le conscientise. Et donc, je crois que les papas se disent qu’ils n’ont pas de rôle a priori à jouer dans l’allaitement, que c’est une affaire de femmes, qu’éventuellement ils vont trouver ça nul ou qu’ils vont trouver ça bien. Ils ne se posent pas la question. Ils vont dire que ça ne change rien. Et puis après, si on réfléchit 2 secondes, et qu’on pense aux remarques qu’on pourrait faire, aux remarques encourageantes ou au contraire dénigrantes, en disant par exemple « tu es encore en train de satisfaire ses demandes… », si on est en train de sortir des petites remarques comme ça, il est évident et que ça ne va certainement pas motiver la maman à continuer. Et donc là, je crois que si on conscientise ça juste deux secondes, ça devient une évidence. On en parle et ce qui est intéressant, effectivement : il y a des études* qui le montrent avec des chiffres à l’appui. C’est extrêmement clair !
*Giugliani, Elsa RJ, et al. ‘Effect of breastfeeding support from different sources on mothers’ decisions to breastfeed.’ Journal of human lactation 10.3 (1994): 157-161. https://europepmc.org/article/med/7619265
Et donc vous évoquez des chiffres quand il y a un désir d’avoir des informations scientifiques chez certains papas ?
C’est dans ma présentation de base. Il y a des points que j’aborde à chaque fois :
– La présence ou non du papa à l’accouchement.
– La sexualité autour de l’accouchement.
Après, il y a les points à la carte. Je commence toujours avec un point sur le fait qu’on entre dans un monde genré. Il y a des chiffres. C’est ma manière de procéder. Je suis physicien. Ça fait partie de moi et donc j’aime bien préciser mes pensées avec des chiffres. S’il n’y a pas de chiffres accompagnant une information, ça ne me parle pas assez. J’aime bien les chiffres pour montrer à quel point la réalité est importante. Par exemple, on parle de l’importance du soutien du papa dans l’allaitement. J’ai en tête que sur 100 mamans qui ont décidé d’allaiter, 98 ont un compagnon pro-allaitement, alors que sur 100 femmes qui ont décidé de ne pas allaiter, seulement un tiers ont un compagnon pro-allaitement. On sent donc l’influence très – pour ne pas dire trop – importante du papa. D’ailleurs de nombreuses maternités l’ont compris et axent leur sensibilisation à l’allaitement majoritairement vers le papa. Quand il y a des études qui permettent d’appuyer ce genre de propos, j’aime bien les ajouter. Et je remarque que souvent, on me donne un retour positif disant que c’est bien que ce soit chiffré et qu’il y a des études. Les papas aiment une approche terre à terre basée sur des chiffres. Ils aiment bien les discussions, mais si en plus on peut s’appuyer sur des chiffres et sur des études scientifiques, ça donne une certaine confiance.
Est-ce que ces informations ont un impact dans le concret ?
J’aurais du mal à le dire puisque je les vois surtout avant l’accouchement. Et après, ils sont rares, ceux que je revois. Les retours que j’entends sont par exemple : « ah ! Je ne pensais pas que c’était à ce point-là» ou « je n’ai jamais pensé que mon comportement pouvait avoir un tel effet. » Et donc, je suis persuadé que ça a un effet, oui. Mais il m’est difficile de le quantifier. Pour moi, c’est clair que ça a un effet, même si les papas que je vois sont déjà un public assez particulier. Ils ne sont pas représentatifs de la moyenne des papas, à mon avis. Ce sont des papas qui ont envie de s’impliquer ou des mamans qui réfléchissent déjà un petit peu à l’accouchement, beaucoup qui souhaitent accoucher en maison de naissance ou au Cocon ou ce genre de chose.
La bienveillance entre partenaires est fondamentale. Et la confiance : J’ai confiance en tes choix et je suis avec toi dans tes choix. Et c’est notre choix.
Ça, c’est l’idéal. Et très très souvent, ça se passe comme ça. Mais il y a des fois où les parents peuvent ne pas être d’accord. Je trouve que c’est super important que le papa donne son avis. Par exemple, le papa peut dire : C’est super important pour moi l’allaitement, j’ai vraiment envie que tu allaites. Mais il se peut que la maman réponde : Oui, mais moi, ma mère ne m’a pas allaitée. Mes frères et sœurs non plus n’ont pas été allaités. La maman a ses envies, ses besoins, ses craintes. Et donc, je trouve les débats intéressants. Ça peut être sur l’accouchement, ça peut être sur l’allaitement. Et donc, il y a quand-même à un moment un point d’équilibre avec, au final, la décision qui revient à la maman. C’est elle qui allaite, ce n’est pas le papa ; c’est son corps. C’est elle qui accouche. Si on est sur la même longueur d’ondes dès le départ, c’est facile. Si tel n’est pas le cas, il y a un équilibre à trouver : il est important qu’une discussion ait lieu dans le respect de l’autre. Une décision unilatérale de la maman sans le moindre débat me semble une mauvaise manière de procéder au niveau communication et implication du papa dans la grossesse. D’un côté, chez la maman, écouter ce que le papa a à exprimer et, de l’autre, que le papa accepte la décision qui appartient à sa femme seule.
Ça me rappelle ma première grossesse. Lors d’une séance d’information sur l’allaitement en prénatal, le futur papa de mes enfants explique à la personne qui fait la séance d’information : Moi, j’ai envie de donner des biberons à mi-temps, parce que ses neveux avaient eu le biberon. Lui avait été allaité longtemps. Il a pu intégrer la réponse qu’on lui a faite : C’est très complexe de faire de l’allaitement mixte et souvent, ça échoue, parce que ça demande au bébé de maîtriser deux techniques de succion bien différentes de front. Et donc, certains y parviennent, mais beaucoup n’y parviennent pas. Et les mères croient qu’elles n’ont plus de lait, alors que l’enfant ne peut plus stimuler la lactation. Et du coup, comme il a reçu une réponse scientifique très précise, il a compris et puis il a fait des tas d’autres choses avec ce bébé-là et avec ceux qui ont suivi. Il a trouvé sa place. Est-ce que vous abordez le fait de trouver sa place auprès du bébé aussi ? On a déjà abordé le rôle du père à la naissance et le fait qu’on n’a pas du tout besoin qu’il se transforme en coach. Mais abordez-vous la place du père dans le post-partum ?
Oui, très clairement. En tout cas, très souvent. Ça dépend des thèmes choisis et des discussions. Il y a évidemment plein de choses à dire ! Il y a d’abord, je crois, au début, une difficulté pour le papa : on s’attend à passer de couple à famille. Mais dans les faits, au lieu d’être trois, on se sent 2 + 1. La maman fait une fusion avec son bébé. C’est super, mais il y a ce sentiment d’être mis un peu à l’écart, de se sentir inutile, l’impression que la maman préfère son bébé, en quelque sorte. Et donc il y a une difficulté à ce niveau-là. Et là, on parle de l’importance prendre sa place, de paterner, pour que la maman prenne confiance, pour que le papa prenne confiance. Et puis tout le cycle se met en place. Ça, c’est un premier point. Le papa ne s’y attend pas. La maman non plus ne s’y attend pas. J’ai déjà eu des retours et même moi, d’un point de vue personnel, c’était comme ça. Tous les couples se disent : Oui, mais nous, on va rester un couple. Le bébé sera là, mais ça ne changera pas le fait qu’on soit un couple. On va toujours prendre soin l’un de l’autre. Et dans les faits, on voit bien que ça ne se passe pas comme ça. Il y a quelque chose de naturel, il y a quelque chose d’hormonal. La maman est en fusion avec son bébé. Et c’est très bien. Mais, quand on ne s’y attend pas ou, au contraire, on s’attend à l’inverse, on tombe un petit peu de haut et c’est difficile. Il arrive parfois qu’on aborde aussi la dépression du post partum et le fait qu’elle touche le même pourcentage d’hommes que de femmes et le fait que c’est une réalité dont on parle très peu. On parle souvent des dépressions du post partum de la maman et il faut continuer à en parler bien évidemment. Les symptômes chez le papa ne sont pas les mêmes. Les pères vont plutôt parfois avoir tendance à se renfermer, travailler beaucoup plus, fuir un peu le milieu familial. Et là, on sent qu’on part dans une mauvaise spirale. Si le papa n’est pas présent, ça ne va pas aider à mettre un bon équilibre dans le couple.
Les ateliers durent deux heures. Concernant l’allaitement, il arrive souvent que des pères disent : J’aimerais participer en donnant le biberon. Il y a un module sur l’allaitement, avec toutes les fausses croyances. Et donc, on explique que le bébé n’est pas juste un estomac sur pattes et qu’il y a vraiment d’autres manières de s’en occuper et de prendre soin de sa femme. Il y a deux choses. D’un côté, parler de toutes les vertus de l’allaitement, ce qui fait que les papas réalisent que le biberon, par rapport à toutes les vertus de l’allaitement, juste mon petit bien-être personnel, mon envie de donner un biberon, est-ce que ça doit faire pencher la balance dans le fait de donner le biberon ? Déjà, c’est un premier point. Et souvent, en ressortant des ateliers, ils ont compris. Et puis en plus, on essaie de prendre le contre-pied, surtout le fait de tout ce qu’il y a moyen de faire avec son bébé, simplement passer du temps avec lui, le porter, jouer, donner le bain, le changer. Il y a quand-même un million de trucs à faire avec son bébé autres que lui donner à manger. Et ils auront des années après encore pour s’occuper des enfants et leur donner à manger…
Je crois qu’un point particulier de vos ateliers, c’est que vous avez une expérience en tant que papa d’enfants allaités et ce n’est pas forcément un thème qui est valorisé dans tous les ateliers pour les pères.
Je ne sais pas vraiment. Déjà, il n’y a pas beaucoup d’ateliers pour les pères. Clairement, j’oriente le débat sur tout ce qui touche la physiologie. Et puis, il ressort de mes lectures qu’il y a tout de même unanimité maintenant sur les bienfaits de l’allaitement. Parmi les médecins qui, il y a encore quelques années, se prononçaient sur certains bénéfices du biberon, certains ont clairement fait marche arrière.
Le but des ateliers PAPA n’est pas de mettre le papa sur un piédestal ou de revendiquer des droits du papa pour le papa. Ce n’est pas une réunion de mecs où on dit : Ouais! On est écrasés par les femmes ! Il faut qu’on reprenne du pouvoir ! Elles donnent le sein, et nous, on ne peut rien faire ! C’est scandaleux ! On va aller manifester ! Ce n’est vraiment pas le but des ateliers. On va plutôt se demander ce que l’on peut faire. Quelles sont les limites et les domaines dans lesquels on s’abstient d’intervenir ? On discute surtout de ces points-là. Aussi bien moi que tous les participants, on a envie de donner le meilleur de nous-mêmes pour notre femme, pour notre bébé, pour notre couple. Il ressort de nos échanges que le biberon n’est pas une piste que l’on a envie de suivre. Et je crois que la majorité des quelques papas qui avaient cette envie de donner le biberon ont bien compris que cela ne servait pas à grand-chose, au contraire. Parfois, ils le font quand-même, pour x raisons, il n’y a pas d’injonction qui sont données durant les ateliers mais j’ai l’envie que les choix qui sont posés soient éclairés. Ce qui est clair, c’est qu’on ne fait pas des réunions de revendications masculines. Le fait de parfois revendiquer certains droits pour les papas est assez mal vu, les hommes ayant déjà bien plus de droits que les femmes. La société patriarcale étant malheureusement toujours une réalité. Mais certains besoins ou droits que nous revendiquons (comme par exemple l’allongement du congé de paternité) ne sont pas un objectif pour les papas eux-mêmes. Si les papas s’impliquent, si on donne plus de congés aux papas, on obtient une meilleure harmonie et plus d’égalité hommes-femmes. C’est donc finalement un droit pour le couple, pour le bébé, pour la famille. C’est vraiment le message que j’essaie de faire passer. On est un groupe de gentils papas !…
Vous proposez des ateliers de portage aux papas en prénatal ?
Des ateliers, c’est un grand mot. Cela dure 20 minutes et ça fait partie des ateliers PAPA. À la fin, j’essaie d’ajouter une activité visuelle et ludique. Le portage a beaucoup de succès auprès des papas, plus que le bain ou le change, d’ailleurs. C’est un moment de détente qui favorise les échanges. Les papas discutent et posent des questions. On revient sur certains sujets. J’explique clairement que je n’ai pas de formation d’animateur en portage. Il s’agit de démystifier la chose, de montrer les possibilités. C’est l’occasion de parler du portage physiologique. C’est un moment de découverte pour les inviter à se tourner vers ce genre de portage et à aller vers des ateliers plus poussés. Je leur indique des contacts vers qui se tourner s’ils le souhaitent.
Y a-t-il des choses intéressantes qui sortent dans les échanges et dans l’expression des ressentis, des émotions, des désirs, des craintes lors de ces essais en portage ?
Lors du tout premier atelier, rien que le fait de prendre la poupée lestée en main, on voit dans le regard que quelque chose se passe. Les papas le disent : Ce n’est pas un vrai bébé mais c’est la première fois que je tiens un bébé ! C’est un temps fort à vivre pour eux. On sent déjà qu’il y a une certaine émotion. Même au delà de ça, on sent que cette première fois les rassure. J’en profite pour montrer trois manières de porter les bébés. La première en position redressée au niveau de notre poitrine, en veillant à la position de la nuque. Les deux suivantes sur notre avant-bras : bébé soit sur le dos, soit sur le ventre, en veillant à maintenir la cuisse du bébé pour éviter tout accident. (Note d’Ingrid van den Peereboom : Concernant la position du bébé couché sur le dos, elle est moins recommandée que les deux autres. En portage, on la pratique le moins possible, juste si nécessaire pour les biberons (ou pour les tétées, bébé couché sur le flanc, ventre contre ventre avec sa maman ; la position redressée est plus recommandée).)
Avant le premier atelier, ça me semblait tellement évident que je ne pensais pas en parler, alors qu’effectivement, certains n’ont jamais tenu de bébé dans leurs bras de leur vie. Je crois que c’est moins fréquent chez les mamans. C’est une autre bonne raison de proposer ce moment sur le portage : en écharpe et simplement dans les bras. Ça prend quelques secondes et on sent que quelque chose se passe. En ce qui concerne le portage, certains croient qu’ils n’y arriveront pas avec l’écharpe. À force d’essayer une fois ou deux, ils se rendent compte qu’en fait, ce n’est pas si compliqué. Ils sentent la liberté de mouvement tout en étant avec l’enfant et en pouvant lui faire des bisous. C’est une possibilité que beaucoup ne connaissent pas. Pour eux, il y a juste le berceau, la poussette et le parc. On parle aussi du cododo. On aborde les pleurs et des études sur ce thème. En Europe, on a quand-même beaucoup de bébés qui pleurent. Et on a l’impression que dans d’autres cultures, c’est beaucoup moins le cas et il semblerait vraiment que le fait de porter contribue fortement à diminuer ces pleurs et à rassurer les bébés. Donc, plutôt que de déposer bébé dans son parc, on peut le mettre contre soi. En hiver, ça nous fait une petite bouillotte !… Ça a certains avantages. Je les vois avec ce petit bébé contre eux dans cette écharpe et ils sont bien. De nouveau, il s’agit d’ouvrir une porte vers des possibles. Évidemment, je ne vais jamais leur imposer d’acheter une écharpe ou tel modèle de porte-bébé physiologique.
Les futurs papas qui viennent en atelier ont-ils déjà entendu parler du sommeil partagé ou cododo ?
Oui, une bonne partie en a déjà entendu parler et ça fait partie des questions fortes. Cela soulève plein de questions. Mon public n’est pas représentatif de la moyenne des papas. J’ai même eu un papa cinéaste, Bertrand Leclipteux, qui a tourné un film intitulé Le sel de nos nuits qui a pour thème le cododo. J’explique comment les médecins ont séparé les bébés des mamans. Ils ont contribué au mythe des tiers séparateurs. Mettez bébé dans sa chambre, il pleurera et puis il arrêtera. J’évoque des études et des témoignages. Si on observe des bébés en pouponnière, ils ne pleurent pas, parce qu’ils savent que personne ne va venir. Mais si on évalue leur stress en mesurant leur taux de cortisol, on voit que ce sont des bébés très stressés, avec tous les dommages que ça a pour le cerveau, que l’on connaît de mieux en mieux. Ces bébés extrêmement stressés sont littéralement en train de détruire leur cerveau. Ils ne pleurent plus, mais ce n’est pas pour autant qu’ils ne sont pas en situation de stress. On évoque également les mammifères, qui dorment ensemble. Les papas expriment leurs craintes du phénomène Tanguy, que leurs enfants ne prennent pas leur envol… Or, on a des études qui montrent que c’est justement l’inverse. Je leur parle de l’image du porte-avions, utilisée par Isabelle Filliozat : les enfants viennent puiser en nous les ressources dont ils ont besoin pour pouvoir mieux s’envoler… Des études longitudinales montrent l’évolution sociale des enfants qui ont pratiqué le cododo. En termes de rapports sociaux et de bien-être, on voit que ce sont des enfants qui se portent mieux que la moyenne. Il y a des études et elles rejoignent souvent le sentiment des mamans. Elles ressentaient en elles que c’était bon pour leurs enfants. Les médecins ont dit à divers moments que ce n’était pas bon. D’où sortaient-ils ça ? On n’en sait rien. On a maintenant des études qui montrent que ces intuitions féminines sont bonnes. (L’anthropologue américain James McKenna est à l’origine de nombreuses recherches sur le sommeil partagé). La pratique est présente dans de très nombreuses cultures. On parle souvent des craintes concernant la sexualité. Certains spécialistes, les sexologues notamment, émettent l’idée que la sexualité est prioritaire sur les besoins du bébé et que celui-ci doit quitter la chambre de ses parents le plus vite possible. Ces spécialistes savent que ce n’est pas la meilleure solution pour l’enfant, au contraire, et ce genre de position est délicate.
On ne peut peut-être pas s’attendre à une ouverture sur ce sujet quand une personne n’a pas un vécu épanouissant du cododo. On peut mieux le porter dans un contexte professionnel quand on en a une expérience en tant qu’enfant ou parent.
Ça me paraît évident. Je n’ai pas le souvenir d’avoir vécu le cododo et je ne l’ai pas observé quand mes petits frères sont nés. Dans nos sociétés européennes, où on a un ou deux enfants, avec des écarts d’âge relativement élevés, je crois qu’il n’y en a pas tellement qui ont ce souvenir-là. Sur le plan familial, il y a toujours des pressions. Plusieurs papas l’ont exprimé. Je ne l’ai pas vécu avec mon épouse mais, dans certaines familles, les jeunes parents reçoivent des reproches de l’entourage, qui leur dit que cela ne se fait pas, qui fait des remarques sur l’allaitement. Il y a aussi un manque d’occasions de voir des bébés prendre le sein. Les mères ne savent pas comment positionner leur bébé au sein, n’ayant vu que des bébés prendre le biberon. Je crois que les papas savent bien qu’ils sont en rupture avec les modèles précédents. Ils ne se tracassent pas trop, parce qu’en fait, autant pour l’allaitement, on reçoit des commentaires en famille, dormir, ça reste quand-même dans un cadre familial restreint.
On n’est pas obligé d’avouer tout ce qu’on fait. Certains couples préfèrent ne pas aborder le sujet pour ne pas être ennuyés, quitte à installer la chambre de bébé avant qu’elle ne serve véritablement.
Tout à fait. D’ailleurs, je conseille aux parents de faire la chambre avant la naissance car faire des travaux, c’est plus difficile une fois que le bébé est là ! Quitte à ce qu’elle ne soit pas utilisée pendant de nombreux mois… Ils me demandent à quel moment bébé doit quitter le lit ou la chambre des parents. Impossible de répondre 6 mois, 3 jours et 4 heures… Je ne donne jamais de chiffres fixes. Cela dépend de tellement de choses : du bébé, ne nos envies, de nos besoins, de nos peurs, de la distance entre la chambre du bébé et celle des parents, du temps qu’on passe avec lui. Ce serait donc une erreur de donner un chiffre, il me semble.
Ça peut se compter en mois ou en années. Cela fait partie de l’histoire du couple et de la famille.
Les études montrent qu’un bébé dort 6h d’affilée vers 6 mois, mais c’est une moyenne, et donc, pour certains, ce sera à 2 mois, et pour d’autres à 2 ans. Un enfant n’est pas l’autre. À certains moments, notre fils a manifesté le besoin de nous rejoindre dans notre lit en milieu de nuit, tout en ayant des phases de plusieurs jours ou semaines où ça n’était pas le cas. Quant à sa grande sœur, une fois qu’elle a été dans son propre lit dans sa chambre, elle n’a jamais exprimé le besoin ni l’envie de revenir dans notre chambre.
Contrairement à l’allaitement, qui est difficile à maintenir sur le long terme en mixte, il y a des pratiques comme le cododo ou l’hygiène naturelle infantile, ou encore le massage, qui peuvent se pratiquer selon le moment et pas forcément à temps plein.
Oui, aussi bien pour le parent que pour l’enfant. On peut revenir en arrière.
On ne le sait pas forcément dès le départ. Pour le massage, la fenêtre est encore beaucoup plus ouverte.
Certains sont parfois déçus parce qu’ils attendent une réponse très claire de ma part. Mais de manière générale, en fait, en ne mettant pas de date, on ne met pas de pression qui serait totalement inutile, qu’on la mette a priori ou a posteriori. Par exemple, dire qu’à 6 mois, un bébé est censé dormir 6h d’affilée et qu’à 12 mois, il est censé dormir seul dans sa chambre, ça n’a pas de sens.
Donc les chiffres des études sont utiles, mais à ne pas s’imposer comme directives strictes à suivre dans le concret ?
Il faut toujours commenter les chiffres. Si à 6 mois, un bébé ne dort pas 6h d’affilée, ce n’est pas pour cela qu’il a un problème. Le problème est plutôt du côté des parents et de notre société, qui leur demande de tenir un rythme.
Cela me rappelle le livre Serre-moi fort, du pédiatre Carlos Gonzalez, qui est traduit en français aux éditions Le Hêtre Myriadis. Il parle du sommeil et du fait que le sommeil des bébés allaités n’est pas forcément le même que celui des bébés non allaités ; que vraisemblablement, les bébés allaités se réveillent un peu plus, mais que c’est ça qui correspond à la physiologie du développement humain.
Il y a ce qu’on observe et il y a les interprétations. J’avais beaucoup creusé ce sujet, après ma formation en allaitement avec Ingrid Bayot. Effectivement, il y a des écarts, qui ne sont pas si grands que ça. De nouveau, si on met cela en balance avec tous les bienfaits de l’allaitement… Si on mange 25 pizzas, c’est sûr, on va bien dormir. Ce n’est pas pour autant un bon sommeil bien réparateur. Et puis, au niveau des chiffres, ce n’est pas comme si un bébé au biberon allait dormir 5h d’affilée en plus !…
Carlos Gonzalez est un père, un grand-père et un pédiatre très humain, qui explique que même si une pratique marche avec les bébés ou les enfants, ce n’est pas une raison suffisante pour la pratiquer. Il insiste pour voir si c’est respectueux de sa personne avant tout. Il parle aussi du fait qu’il a été très présent pour ses enfants et qu’ils ont ensuite pris leur envol. Il parle de cet investissement en présence au début de la vie des enfants et du fait que l’autonomie ne se crée pas dans l’immédiat.
On a vite voulu rendre les enfants autonomes et on a fait pire que mieux au niveau du développement du cerveau. J’évoquais tout à l’heure une étude qui semble le montrer : tous ceux qui ont pris soin de leur enfant au début le voient prendre son envol sereinement !
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